Jean Dominique Larrey : écrivain.

Date:
1936
Catalogue details

Licence: In copyright

Credit: Jean Dominique Larrey : écrivain. Source: Wellcome Collection.

    2/8 (page 58)
    dir les riches matériaux qu'il a accumulés, du poids des connaissances générales et classiques, que ses lecteurs n’ignorent pas plus que lui-même? Et son credo paraît inattaquable quand il le précise en ces termes, qui pré¬ voient et réduisent à néant certains reproches: « Les réflexions relatives à chacune des maladies que j’ai décrites sont étayées d’une série d’observations, recueillies avec exactitude et avec soin. Quant aux théories, qui précèdent ou accompagnent ces observations, je les abandonne à la cri¬ tique, parce que je suis persuadé que, de quelque nature qu’elle soit, elle servira toujours aux progrès de la science. » Triaire juge ainsi Larrey écrivain: «Dominique rap¬ porte les faits en termes brefs et incisifs qui rappellent son autoritaire tempérament. » Aussi va-t-il droit au but, maniant la plume avec autant de dextérité qu’un instru¬ ment tranchant. L’exemple qui s’impose doit être fourni par ses nombreux écrits sur l’amputation, dont il se plaît cà rappeler que son collègue Dufouard, du Yal-de-Gràce (1), la définit « l’œuvre la plus philosophique de toutes les sciences humaines». Larrey précise, d’un style alerte et vif, les indications et les procédés opératoires. La méthode d’opération « sur le champ » lui a permis de sauver 75 % de ses blessés, contre 10 % de guérisons que donne le pro¬ cédé des chirurgiens qui n’ont point fait de progrès depuis la bataille de Fontenoy. Elle « doit avoir pour résultat la section perpendiculaire (d’un membre)... La peau doit être coupée à une certaine distance au-dessous de la ligne où 1 on doit diviser la couche superficielle des muscles libres, les artères du membre doivent être comprises au¬ tant que possible dans la section des muscles libres ou superficiels pour qu’elles soient accessibles à la ligature. » L’opération se déroule en plusieurs temps, mais le manuel opératoire peut être aussi prompt que si elle était pra¬ tiquée en un seul... Quatre incisions, réunies par leurs angles, suffisent pour couper la peau du pourtour du membre, et l’on en favorise la rétraction par la section perpendiculaire des fibres celluleuses qui la retiennent aux parties subjacentes. ...Pour séparer un membre à 1 une de ses articulations, ...tailler deux lambeaux... en conservant une quantité de peau suffisante pour que les bords puissent s en réunir directement à l’époque de la cicatrice, et leur donner une telle forme que, lorsqu’on les met en contact, la plaie du moignon présente le même résultat que si elle avait été faite par une coupe circu¬ laire. » La ligature des artères « doit être immédiate et exécutée avec des pinces à disséquer à branches un peu longues et à pointes mousses carrées pour pouvoir em¬ brasser avec force et sans le déchirer, l’extrémité du vaisseau». On doit se servir de cordonnet de fil, ciré à plat, simple, double ou triple, ne faire qu’un seul nœud, rarement deux pour les gros vaisseaux, et couper les ligatures «réunies à l’angle le plus déclive de la plaie» En faisant ces ligatures, on évitera les cordons nerveux qui accompagnent les principales artères, mais les veines seront comprises dans la ligature des artères qu’elles ac¬ compagnent. (1) Professeur de de Delorme. jurisprudence chirurgicale. Voir l’ouvrage Autre sujet de prédilection, la gangrène sèche ou de congélation, qu’il a étudiée en Amérique septentrionale, à l'armée des Pyrénées Orientales, en Hollande, et surtout dans «la terrible campagne de Russie en 1812». Il observe que la gangrène... « ...ne s’est déclarée qu’au moment où la température s’est élevée tout à coup d’un degré très bas à plusieurs degrés au- dessus de zéro, ou lorsque les soldats, engourdis par le froid, passaient dans un foyer de chaleur ariificieile. Je pense même, qu’à moins d’une inaction complète des individus soumis pen¬ dant longtemps aux influences du froid jusqu'à l’asphyxie, et à moins qu’une seconde cause sédative ou narcotique n’agisse intérieurement et de concert, telle que l’ivresse, je pense, dis-je, que la gangrène ne peut se déclarer et se manifester sur aucune partie du corps pendant la durée du froid. » Des preuves, il en trouve dans ces faits que les voya¬ geurs qui traversent les hautes montagnes pendant les froids les plus rigoureux, ne sont pas atteints de gangrène toutes les fois que la température ne change pas, et que « les Russes, les Polonais choisissent l’époque la plus constante des frimas pour entreprendre avec leurs traî¬ neaux les longues et pénibles caravanes de la Sibérie». Le traitement précoce dérive de ces prémices. 11 consiste « à éviter l’application brusque et subite de calorique ou de tout foyer de chaleur. On lui substituera les frictions de neige et de glace fondue, ou de gros vin rouge, de vi¬ naigre, d’eau-de-vie camphrée refroidie dans de l’eau de puits; ...on facilitera la chute ou l’évulsion des parties molles qui sont désorganisées... et il y aura « avantage à retrancher la portion de membre nécrosée, après toutefois que la gangrène est cernée et bien limitée par la ligne inflammatoire... Ne pas trop différer l’amputation, parce que les malades s’affaiblissent et finissent par périr». ...On soutiendra les forces; on combattra les affections fébriles, s'il en existe. Ses fonctions multiples l’obligent à faire face à une foule de circonstances qui ne le détournent qu’en apparence de sa spécialisation. L’hygiéniste se manifeste dans des relations d’épidémie de peste, de fièvre jaune, de rage, de lèpre, de tétanos, de «l’ataxie soporeuse», de scor¬ but, de la plique, de la colique de Madrid, de charbon, de diverses épizooties; à l’oculiste revient le soin d’établir la synthèse de l’ophtalmie endémique d’Egypte; elle va de pair avec l’étude de la cataracte traumatique, et la thérapeutique des fistules lacrymales; le psychiatre se dis¬ tingue par sa conception de la nostalgie avec ses trois périodes d’exaltation des souvenirs, de désordres orga¬ niques, de désespoir et de marasme; le neurologue s’af¬ firme disciple éclairé de Gall, et, à ce titre, reconnaît que les paralysies consécutives aux plaies ou aux com¬ pressions cérébrales « s’observent du côté opposé à la lésion ou à la compression en raison de l’entrecroisement des fibres de cette partie de l’encéphale». L’observateur, l’opérateur dominent l’écrivain. Dans le développement des Mémoires et de la Clinique il ne faut chercher que science et logique. Ces œuvres ne se jugent pas par leur intérêt littéraire. Une petite phrase comme celle-ci, tirée de la Campagne de Saxe et de Prusse: « Quelques blessures graves exigèrent de grandes opéra-