Traitement du goître exophthalmique par la faradisation / par Aug. Vigouroux.

  • Vigouroux, Auguste, 1866-
Date:
[1891]
    Ce journal paraît trois fois par semaine LE MARDI, LE JEUDI ET LE SAMEDI La Lancette française Administration : 4, rue de l’Odéon, 4 PRÈS LA FACULTÉ DE MÉDECINE GAZETTE DES HOPITAUX Le prix, de l’abonuement doit être envoyé en mandat-poste ou en traites sur Paris. — L’abonnement part du 1" de chaque mois. CIVILS ET MILITAIRES Le pri.x de l’abonnement pour les Étudiants en médecine est de 12 fr. par an. S’adresser directement aux bureaux du Joumal- AU CORPS MÉDICAL. — Un acte du 10 octobre 1853 a institué en faveur de la Gazette des hôpitaux un fonds de 3 000 francs pour encouragements aux auteurs des meilleurs travaux pratiques insérés dans ce Journal, et un autre de 7000 francs pour compléter le prix d’abonnement des Médecins et des Étudiants qui ne peuvent payer le prix entier. PRIX DE L’ABONNEMENT: FRANCE 3 mois : 8 fr. 50. — 6 mois : 16 fr. — 1 an : 30 fe UNION POSTALE. 3 mois : 10 fr. ». — 6 mois : 18 fr. — 1 an : 35 fr. Prix du Numéro : 20 c. — Avec Supplément : 30 c. SOMMAIRE. — Premier-Paris.— Hospice de la Salpêtrière. Traite- ment du goitre exophthalmique par la faradisation. — De la morbidité et de la mortalité par professions. — Note sur l’épidémie de grippe ou influenza qui a sévi à Angers pendant les mois d’octobre et de no- vembre 1891. — Revue bibliographique. — Thèses.— Chronique et nouvelles scientifiques. SÉANCE DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE Le président, ayant fait part à l’Académie de la mort de M. Barthez, ancien médecin du prince impérial et membre de l’Académie, et de M. Féréol, secrétaire annuel, lève la séance en signe de deuil. HOSPICE DE LA SALPÊTRIÈRE. — M. R. Vigouroüx. Traitement du goitre exophthalmique par la faradisation ( 1 ) Par le docteur Aug. Vigouroux, Interne à l’asile Sainte-Anne. II Obs. II. — Maladie de Basedow datant de trois mois chez une femme de quarante-sept ans. Amélioration très rapide. — P..., quarante- sept ans, cuisinière, entre dans le service envoyée par un méde- cin de la ville avec le diagnostic a goitre exophthalmique ». Les antécédents héréditaires de la malade ne nous montrent pas d’hérédité directe. Sa mère est morte d’accident; son père, qui faisait des excès alcooliques, fut frappé d’apoplexie fou- droyante; sur douze frères et sœurs qu’elle a eus, huit sont morts en bas âge, deux d’une affection de poitrine vers l’âge de vingt ans. Parmi les collatéraux, elle n’a jamais connu personne ayant eu de goitre ni de maladie nerveuse ou mentale. Elle-même a toujours eu une bonne santé. Réglée à seize ans sans difficulté, elle a toujours été très régulière. Elle a toujours été d’un caractère un peu impressionnable, se mettant en colère facilement. Bonne travailleuse, elle s’est oc- cupée comme cuisinière jusqu’à ces derniers temps. Il y a deux ans, elle eut un violent chagrin et de grands ennuis, l’homme avec lequel elle vivait depuis très longtemps la quitta pendant trois mois. A partir de ce moment, ses nuits furent moins bonnes; elle éprouvait comme des accès de tremblement qui lui duraient quelques minutes et qui ne la prenaient jamais que la nuit. En (1) Fin. — Voir Gazette des hôpitaux, 1891, p. 1291. même temps, elle souffrait de sensations passagères de chaud et de froid. Elle continuait cependant à travailler, et cet hiver 1890-1891', elle s’est beaucoup fatiguée. En juillet 1891, elle dut quitter tout travail, à cause de la fa- tigue qu’elle éprouvait; elle se sentait excessivement faible, avait des vertiges^ des accès de suffocation et des battements de cœur. Son cou commence à grossir, ses yeux deviennent étranges et sortent de l’orbite. Elle se décide à consulter un médecin qui, pendant un mois, la traite par la digitale à l’intérieur et les badigeonnages à la tein- ture d’iode de son goitre, et ce n’est qu’au mois d’aoùt qu’elle fut envoyée dans le service d’électrothérapie. A son entrée, P... présente le type caractéristique de la mala- die de Basedow : les yeux sont saillants, mais on ne trouve ni le signe de de Græfe, ni celui de Mobius. Le cou, volumineux, mesure 36 centimètres, avec hypertrophie plus grande en faveur du lobe droit du corps thyroïde. Elle est animée d’un tremblement généralisé. La peau est moite et rougit facilement au moindre contact. La résistance électrique, très diminuée, est de 1 oOO ohms. La sensibilité est intacte des deux côtés du corps. Pas de zone hystérogène. Le pouls est accéléré ; il bat 120 pulsations à la minute. L’aus- cultation du cœur ne révèle aucune lésion valvulaire. La respira- tion n’est pas accélérée (20 inspirations à la minute). La malade se plaint d’une petite toux sèche, non accompagnée d’expectoration, qui la gêne beaucoup. Elle ne dort pas la nuit et fait des cauchemars effrayants. Elle sent qu’elle est devenue beaucoup plus nerveuse et plus irritable ; mais elle ne se préoccupe pas outre mesure de l’atten- tion que lui portent les gens dans la rue. Elle est d’une grande faiblesse et incapable de tout travail. Quand elle marche dans la rue, elle est souvent prise de vertiges qui la forcent à s’appuyer contre le mur. Le traitement fut commencé le 1'*^ août, à l’exclusion de tout autre. Il produisit une amélioration rapide. Dès la troisième séance, la malade avait beaucoup mieux dormi et n’avait plus de cauchemars. Elle se sentait plus forte et avait éprouvé moins de vertiges. Le 15 septembre, nous voyons le mieux continuer et s’étendre aux autres symptômes. Les yeux sont bien moins saillants, le gauche est presque rede- venu normal, l’œil droit reste encore un peu gros. Le cou a diminué; il ne mesure plus que 31 centimètres. La peau est moins couverte de sueur; la résistance électrique est de 3 000 ohms. Le nombre des inspirations est descendu à 15. La toux a disparu. Le tremblement a diminué, et les autres symptômes se sont
    amendés de façon à permettre à la malade de reprendre ses oc- cupations. Elle se plaint toujours de ses crises de tremblement nocturnes, qui, bien que moins fortes, continuent. Le 2 novembre 1891, la malade, guérie, ne vient plus à l’élec- trothérapie. Obs. III. — W..., étudiante, vingt-sept ans. Mère nerveuse. Pas d’hérédité similaire. Réglée à treize ans régulièrement. N’avait jamais été malade. En 1882, à la suite de grandes émotions, elle ressentit un grand énervement et vit apparaître des taches de vitiligo. En 1888, elle éprouva de fortes palpitations; elle constata un commencement de goitre et ses yeux changèrent d’expression. En même temps, elle eut des névralgies faciales, et le tremble- ment commença avec l’insomnie et les cauchemars terrifiants. Elle fut d’abord soignée à Genève par le docteur Revillod, qui la traita par l’hydrothérapie et le bromure, sans obtenir de résultat. Venue à Paris, elle entra à l’hôpital Necker, où elle fut peu améliorée. Enfin, en octobre 1888, elle était à la consultation de la Salpê- trière, et elle fut soumise au traitement de la faradisation, tout en continuant à prendre successivement du bromure de potas- sium, de l’arséniate de soude, de la strychnine et de l’hyoscia- mine. N’éprouvant qu’un léger soulagement, elle abandonne le traitement. Ce n’est qu’au mois de mars 1889, qu’elle revient à l’électrothé- rapie. Suivant nos conseils, elle supprime toute autre médication. Le mieux apparaît aussitôt; la malade peut reprendre ses études, passer ses examens de licence et partir pour la campagne en août 1890, se regardant comme guérie. La santé reste bonne pendant quelques mois ; mais de nouveaux chagrins et des excès de travail intellectuel font reparaître quel- ques symptômes, tels que l’énervement, l’insomnie, le tremble- ment. Elle cesse tout travail et se traite par le bromure et k chloral. N’éprouvant aucune amélioration, elle revint à l’éleclro- thérapie en juillet 1891. A son entrée dans le service, la malade présente la triade sym- ptomatique de la maladie de Basedow : les yeux sont gros, le goître légèrement apparent, le pouls bat 120 pulsations, la caro- tide est tendue; la peau, moite, est recouverte au niveau du cou et des avant-bras de taches de vitiligo. La résistance électrique, très diminuée, est de 1 230 ohms. Mais ce dont la malade se plaint le plus, c’est d’un grand éner- vement, d’insomnies rebelles avec cauchemars terrifiants et d’une incapacité absolue de se livrer à tout travail intellectuel. Commencé le 10 juillet 1891, le traitement faradique est immé- diatement suivi de bons résultats. Au bout de quelques séances, l’énervement diminue, le sommeil revient sans avoir recours au chloral. Le pouls (le 23 juillet) ne battait déjà plus que 100 pulsations, et les autres symptômes disparurent peu à peu. La malade peut reprendre ses occupations et ses travaux, et aujourd'hui on peut la considérer comme guérie. Obs. IV. — H... (Augusta), trente-cinq ans, couturière. Réglée à quatorze ans ; régulièrement depuis l’àge de vingt ans. N’a jamais fait de maladies, mais a toujours été d’un tempéra- ment délicat. Pas d’hérédité directe. Père nerveux. Début de la maladie en septembre 1890 : vertiges, palpitations, énervement, insomnie, tremblement, sueurs, sensation de cha- leur, crises de diarrhée, taches de vitiligo sur le front. Pas de goître, mais l’expression du regard était changée. Envoyée à l’électrothérapie en novembre 1889. Elle fut rapide- ment soulagée, put reprendre son travail. Abandonna le traite- ment pendant plusieurs mois, de juillet en septembre 1890. Revint de nouveau ; le mieux réapparut et, et maintenant, bien qu’elle ne vienne qu’une fois par semaine, tous les symptômes ont disparu. Les palpitations seules réapparaissent quelquefois, mais elles cèdent toujours à une séance d’électricité. Obs. V. — W..., vingt-trois ans. Pas d’antécédents héréditaires ni personnels. A la suite de la perte de sa mère, en 1888, accidents nerveux, tremblement, palpitations, insomnie, cauchemars, idées mélan- coliques. Incapacité de se livrer à aucun travail. Anesthésie pharyngienne, plaques d’hyperesthésie, points hys- térogènes au niveau de l’ovaire gauche. Au-dessus du sein gau- che, vitiligo limité à la région du cou. Résistance électrique augmentée à gauche. Traitée depuis le mois de juillet 1890. Suffisamment améliorée pour entreprendre un long voyage. Obs. VI. — X..., quarante ans, institutrice. Pas d’hérédité similaire. Malade depuis trois ans. Exophthalmie. Symptôme de de Græfe. Goître énorme. Palpitations. Tremblement. Sueurs. Insomnie. Cauchemars. Faiblesse. Diminution énorme de la résistance électrique. Traitée par la galvanisation du nerf sympathique à l’hôpital Necker, n’a éprouvé que peu d’amélioration, a dù cesser le traite- ment à cause d’une eschare à la région postérieure du cou. Venue à l’électrothérapie eu septembre 1890, a été rapidement améliorée. A pu abandonner le traitement en septembre 1890. Tous les symptômes se sont amendés. Obs. VII. — Br..., trente-trois ans, commerçant. Grand’mère paternelle était affectée d’un tremblement géné- ralisé. Depuis l’àge de douze ans, il tremble aussi. En 1886, le tremblement a augmenté, et ses cheveux, sa barbe et ses poils sont tombés symétriquement. En même temps, il avait de la tachycardie et de l’oppression. Traité à l’hôpital Saint-Louis sans résultat pendant un an. A été envoyé à l’électrothérapie en mai 1890. Anesthésie à droite, accompagnée d’augmentation de la résis- tance électrique du même côté. Les poils n’ont pas repoussé, mais les palpitations ont disparu et le tremblement a diminué à tel point que, depuis avril 1891, il a pu reprendre son travail, tout en venant régulièrement se faire électriser. Obs. VIII. — G..., quarante-quatre ans. Tante paternelle avait un goître (?). Malade depuis deux ans. Goître surtout marqué à gauche. Exophthalmie. Palpitattons. Tremblement. Énervement. Résis- tance très diminuée. Au bout d’un an se considérait comme guérie. A abandonné le traitement. A la suite de chagrins et de grandes émotions, est retombée malade en juin 1891. Elle est revenue à l’électrothéra- pie, et de nouveau elle est très améliorée. Obs. IX. — D..., trente-sept ans, ménagère. Sa grand’mère a des attaques d’hystérie. Son frère est débile. Malade depuis 1887, ses forces ont commencé à diminuer, son cou a grossi, ses yeux sont devenus hagards et fixes, puis très gros; elle a été prise de tremblement, puis de palpitations très violentes. Pendant dix-huit mois, elle fut sujette à des crises de diarrhée, auxquelles succédèrent des vomissements. Pendant deux ans, elle ne fut pas réglée. Elle n’a plus de sommeil. Cauchemars terrifiants; elle voit ses parents morts. Elle a toujours trop chaud, est couverte de sueurs. Elle est.entrée à l’hôpital le 13 février 1888. Fut traitée pen- dant six mois par la galvanisation du cœur et du cou. N’ayant aucune amélioration, elle partit pour la campagne, où son médecin l’électrisa également sans résultat. Venue dans le service le 13 septembre 1891.
    Exophthalmie énorme. Le cou mesure 37 centimètres. Le pouls bat 82. On compte 24 inspirations à la minute. La ré- sistance électrique n’est que de 810 ohms. Elle se plaint surtout de l’insomnie, des cauchemars et de faiblesse. Le 10 octobre, la malade dort sept heures par nuit, n’a plus de cauchemars. Elle se sent un peu plus forte. Les yeux sont moins gros. Le pouls est à 88. Le cou mesure 33 centimètres. Le nombre des inspirations est de 18 à la minute. 0b3. X. — Ch... (Alice), vingt-quatre ans. Début de la maladie en août 1890, à la suite de chagrins. Pal- pitations. Vertiges. Tremblement. Énervement. Insomnie. Exoph- thalmie légère. Goitre peu apparent. Venue à l’électrothérapie en juin 1891. Se trouve très améliorée. Tous les symptômes se sont amendés. Obs. XL — L..., vingt-huit ans, étudiant. Pas d’hérédité similaire. Début de la maladie en 1882, à la suite de fortes émotions. Tremblement. Exophthalmie légère. Palpitations (92 pulsations à la minute). Énervement. Sueurs. Résistance très diminuée. Venu à l’électrothérapie en juillet 1891. Se trouve très amé- lioré. Peut cesser le traitement. Obs. XII. — A... (Marguerite), vingt ans. Malade depuis deux ans. Vertiges, palpitations, tremblement. Insomnie, cauchemars. Idées de suicide. Hémi-anesthésie gauche. Point hystérogène sous-mammaire du même côté. Tension des carotides. Traitée depuis octobre 1889. Améliorée depuis un an. Obs. XIII. — Tav..., trente ans, forgeron. Malade à la suite d’un accident de chemin de fer. En février 1891, un mois après, a été pris de palpitations avec crises d’étouf- fement. Tremblement dans les jambes et les bras. Ses yeux ont changé d’expression. Sueurs. Sensation de chaleur exagérée. Insomnie. Le pouls bat 80 pulsations. Tension énorme de là carotide. Résistance électrique, 900 ohms. Entré à l’électrothérapie le 13 octobre 1891. 3 novembre : le sommeil est meilleur; il n’y pas de modifica- tion dans les autres symptômes. Obs. XIV. — Brod... (Adeline), trente-deux ans, cuisinière. Début de la maladie, juillet 1890, à la suite d’un orage. Exoph- thalmie énorme. Goitre (le cou mesure 37 centimètres). Palpita- tions (130 pulsations). Crises d’étouffement. Insomnie, cauche- mars. Sueurs. Énervement. Hémi-anesthésie gauche; point ova- rique du même côté. La résistance électrique est augmentée de ce côté. Entrée à l’électrothérapie le 13 octobre 1891. Le 3 novembre, la malade est déjà améliorée ; l’insomnie, l’énervement ont disparu en partie. En présence de ces résultats, on ne peut nier que le pro- cédé plus ancien de la galvanisation se montre inférieur. De l’aveu même des auteurs qui le préconisent, Erb entre autres, il n’est guère efficace que contre la tachycardie, les autres symptômes n’en étant que peu ou point modifiés. Un autre motif d’ordre moins important de ne pas em- ployer la galvanisation contre la maladie de Basedow est la possibilité des eschares. Ces eschares, déjà si fréquentes dans les conditions ordinaires, en raison du laisser-aller que prend habituellement une application souvent répétée, deviennent vraiment difficiles à éviter dans cette affection à cause de la diminution considérable de la résistance élec- trique. Une malade traitée ailleurs par la galvanisation (obser- vation X) s’est présentée à la Salpêtrière avec une eschare à la partie postérieure du cou. A son dire, à l’hôpital, on avait fini par lui laisser le soin de s’électriser elle-même. Une autre malade avait des eschares sur les paupières su- périeures. Enfin, il est facile de prévoir ce qu'il arriverait si l’on suivait le procédé, conseillé par l’auteur d’un manuel, qui consistait à faire traverser la région cervicale pendant dix minutes par le courant de vingt éléments au sulfate de cuivre. Le courant pourrait avoir, dans le cas d’un malade à résistance fortement diminuée, une intensité de 20 à 30 milliampères, c’est-à-dire aurait dépassé l’extrême limite des intensités employées en électrothérapie. DE LA MORBIDITÉ ET DE LA MORTALITÉ PAR PROFESSIONS ÉTUDE ACCOMPAGNÉE d’uNE NOUVELLE TABLE DE MORTALITÉ PAR PROFES- SIONS, CALCULÉE d’après LES ANNUAIRES STATISTIQUES DE LA VILLE DK P.ARIS, 1883-1889. Par M. le docteur Jacques Bertillon. (Mémoire communiqué à la Société de médecine publique.) Conclusions. — Au cours de cette étude, nous avons dû adopter l'ordre suivi dans les différentes nomenclatures de profession adoptées par.les statistiques. Nos conclusions seront plus faciles à formuler et prendront un caractère plus général si nous suivons un ordre plus approprié aux vues de l’hygiène. Les professions, considérées au point de vue de leur degré de salubrité, peuvent être classées sous les chapitres suivants (1) : 1. Professions exposant l'homme aux intempéries, tout en le contrai- gnant au repos. — Telles sont notamment les professions de cocher, et, à un moindre degré, de charretier. Nous avons vu que ce sont les plus malsaines de toutes. 2. Professions exposant l’homme aux intempéries, mais sans le contraindre au repos. — Autant les précédentes sont dangereuses, autant celles-ci sont généralement salubres; telles sont les pro- fessions de cultivateur, maraîcher, pépiniériste, garde-chasse, etc. Les pêcheurs sur mer, les bateliers rentrent à certains égards dans cette catégorie. 3. Professions exposant l’homme à respirer des poussières dures, mais ü l’air libre. — Tels sont les tailleurs de pierre, marbriers, praticiens-sculpteurs, etc., les carriers, dont la mortalité est très élevée. Les maçons, les couvreurs en tuile et ardoise, etc., qui se rattachent jusqu’à un ceitain point à cette catégorie, ont une mortalité un peu moindre que les précédents. 4. Professions exposant l’homme à respirer des poussiè7'es dures, mais dans l'air confiné. — Ces professions exposent à une morta- lité au moins aussi élevée que celle de la catégorie précédente, quelle que soit la nature de la poussière respirée, que celle-ci soit métallique (machines et outils, serruriers, armuriers, instru- ments de précision ou de chirurgie, couteliers, fabricants d’ai- guilles, etc.), ou qu’elle soit rocheuse (potiers, etc.), ou qu’elle (1) M. Ogle, devant le Congrès de démographie de Londres (1891), a admis les sept catégories suivantes ; l'" travaux qui s’exécutent dans une position ramassée, et spécialement ceux qui opposent un obstacle à l'action des organes thoraciques; 2» surmenage, et spécialement efforts musculaires et mouvements soudains; 3° industries qui emploient des substances nuisibles telles que le plomb, le phosphore, le mercure, des objets souillés, etc. ; 3® travaux qui s’exécutent dans des locaux mal ventilés et surchauff'és; 5“ excès alcoohques; 6° probabilité d’accident; 9® exposition à l’inhalation des poussières de diverses natures. Cette division du sujet s’éloigne peu de celle que nous adoptons. M. le professeur Proust (Traité d'hygiène) divise les professions suivant la nature des accidents pathologiques qu'elles peuvent provoquer. Quoique cette classification soit très logique, surtout au point de vue médical, nous n’avons pu la suivre que d’assez loin dans cette étude, parce que nous avons surtout recherché le degré de nocivité des différentes pro- fessions.
    soit d’origine animale (brossiers, poils et crins, coiffeurs, etc.). Notre secrétaire général, M. Napias, a montré quels dangers faisaient courir aux ouvriers les poussières dures, de quelque nature qu’elles fussent, et il a montré comment on peut les en garer soit par la ventilation, soit par l’emploi de Teau. L’excel- lence de ce moyen de protection est prouvée par les courbes saisissantes que M. Napias a jointes à son travail (1). b. Professions exposant l'homme à respirer des poussières molles. — Ces professions sont généralement moins insalubres que les précédentes (meuniers, boulangers, filateurs, ramoneurs, etc.). 6. Professions exposant l'homme à une chaleur exagérée, à la fumée, à la vapeur, etc. — Les forgerons jouissent d’un état sani- taire satisfaisant à Paris, moins satisfaisant en Angleterre et surtout en Suisse. Les mécaniciens ont une mortalité moyenne. Les boulangers doivent sans doute leur mortalité un peu élevée aux poussières qu’ils respirent; les verriers et cristalliers aux substances qu’ils travaillent. 7. Professions exposant l’homme à absorber des substances nuisi- bles. — Telles sont les professions qui exposent au saturnisme (tels sont, selon la fréquence de l’empoisonnement ; les fabri- cants de limes, les peintres, les potiers, les plombiers, les impri- meurs, etc.), les professions qui exposent à l’absorption du phos- phore, du mercure et autres poisons minéraux ou à l’absorption de poisons végétaux (tobacconists), ou encore celles qui mettent l’homme en contact avec des matières corrompues (bouchers, tanneurs, etc.). La mortalité dans ces différentes professions est 4;énéralement considérable. 8. Professions exposant l'homme à la tentation de l’alcool. — En premier lieu, il faut classer ici les marchands de vin et hôteliers, dont la mortalité à Paris paraît moindre qu’en Suisse ou en Angleterre. Les brasseurs anglais ont une mortalité moindre, .quoique encore très élevée. 9. Professions exposant l'homme à de nombreux accidents. — Les mineurs de charbons et de fer auraient une mortalité extrême- ment favorable sans les nombreux accidents qui les déciment. 11 en est de même des pêcheurs sur mer. Les mineurs cornouans et les carriers sont très exposés aux accidents, mais d’autres causes de mort très actives élèvent leur mortalité. 10. Professions sédentaires. — Parmi elles, il en est de très favo- risées, et d’autres au contraire qui sont très frappées par la mort. L’état sanitaire de ces professions paraît dépendre notamment de ce que beaucoup d’entre elles sont exercées dans l’air confiné; il dépend aussi de ce que ceux qui les exercent sont recrutés parmi les plus faibles de la population. Parmi les professions sédentaires où la mortalité est faible, il faut citer les fruitiers, les épiciers, etc.; au contraire les marchands de nouveautés, les marchands de poisson, etc., sont soumis à une mortalité moyenne. Les tailleurs sont soumis à une mortalité élevée, qui paraît moindre pour les cordonniers, les horlogers, les graveurs, etc. Les banquiers, changeurs et leurs employés seraient soumis, d’après les quatre tables, à une mortalité supérieure à la moyenne, mais nous n’avons cependant admis ce résultat qu’avec ré- .serve. 10. Professions libérales. — En général l’exercice de ces profes- sions suppose une certaine aisance; aussi sont-elles presque toutes soumises à une mortalité faible. Les prêtres, les magis- trats, les instituteurs publics ont une mortalité des plus modérées. Les avocats, les officiers ministériels et leurs clercs, les archi- tectes, les ingénieurs, ont une mortalité inférieure à la moyenne. Les médecins de Paris ont une mortalité très faible, tandis qu’en Suisse et en Angleterre leur mortalité dépasse la moyenne. La table de mortalité par professions que nous avons calculée d’après les documents parisiens, et qui est la première qui ait été faite en France, ne peut être acceptée qu’avec réserve, étant soumise, comme les autres tables de mortalité, à de notables <(1) H. Napias. Note sur les poussières industrielles. Principes d’assai- •nissement des industries à poussières. [Bull, de la Soc. industrielle de Rouen, 1884 ) chances d’erreur. Cette table confirme presque en tout points les résultats obtenus d’après les documents anglais et suisses. NOTE SUR L’ÉPIDÉMIE DE GRIPPE OU INFLUENZA QUI A SÉVI A ANGERS PENDANT LES MOIS d’OCTOBRE ET DE NOVEMBRE 1891 Par le docteur E. Briand, Professeur suppléant à l’École de médecine d'Angers. L’année 1891 aura été, en France, une date mémorable dans l’histoire de la grippe. Comme en 1889, la généralisa- tion de la maladie, sa gravité dans certains lieux, sa béni- gnité dans d’autres frapperont les observateurs futurs. Dans ces circonstances, n’est-il pas utile que les méde- cins d’aujourd’hui apportent pour l’histoire de l’avenir les quelqües matériaux qu’ils ont en leur possession? Ne doit- on pas tout au moins faire œuvre de bonne volonté? Voilà pourquoi j’ai l’intention d’exposer ici le résultat de mes observations (1) personnelles dans la ville d'Angers, pendant les mois d’octobre et de novembre 1891. En même temps, je me rends parfaitement compte qu’il m’est impossible de citer chaque cas en particulier, en raison du grand nombre des personnes atteintes. Une simple vue d’ensemble suffira, je pense, pourdonner une idée de cette épidémie, montrer quels ont été les sym- ptômes communs, quels caractères particuliers elle a pris et comment elle se rapporte ou diffère des épidémies anté- rieures. Étudiée au point de vue des symptômes communs, la maladie a toujours présenté (je ne parle que des malades obligés à garder le lit) : Début brusque, fièvre intense pendant les premiers jours, céphalalgie, tantôt embrassant la tête entière, tantôt limitée en un point, à un côté seulement, à un orbite. En même temps douleurs de reins, vomissements, quelquefois colique et diarrhée; courbature. L’expectoration, nulle dans certains cas, a été souvent sanguinolente et même purulente. Tous les symptômes observés peuvent être classés sous quatre formes : 1® Forme gastrique, seule ou associée à la suivante; 2“ Forme pulmonaire ; 3° Forme nerveuse; 4“ Forme rhumatismale. Mes observations portent sur près de 300 malades dont j’ai pris l’histoire. 1® La forme gastrique a présenté quelques analogies avec la fièvre muqueuse. Dans plusieurs cas, il y a eu des épistaxis et des diarrhées fétides. 2® La forme pulmonaire a donné lieu à des bronchites, congestions pulmonaires et broncho-pneumonies, jamais à des pneumonies franches. 3® Chez des jeunes filles le début a été marqué par des douleurs de tête extrêmement violentes, avec tendance à la syncope et par des convulsions. 4® La forme rhumatismale limitée aux lombes ou étendue aux articulations, aurait pu faire hésiter le diagnostic si la coïncidence de la maladie dans la même famille et les symptômes communs n’étaient venus nous éclairer. De plus, mais surtout chez les enfants, la maladie a sou- (1) Je ne fais allusion qu’à mes malades.