Affections congénitales. 1, Tête et cou : maladies des bourgeons de l'embryon, des arcs branchiaux et de leurs fentes / par Lannelongue et V. Ménard.

  • Lannelongue, Odilon, 1840-1911
Date:
1891
    en fumant sa pipe, un lipome attaché par un long pédicule à la partie supérieure du vestibule du larynx. Cet homme éprouvait une gêne dans la gorge depuis dix ans ; sa tumeur était déjà apparue dans la bouche pendant un effort de vomissement. Enfin Sydney Jones1 put enlever chez un homme de quarante ans une tumeur sous-muqueuse, attachée dans le sillon aryténo- épiglottique et pendante dans le pharynx ; c’était un lipome à trame conjonctive délicate qui contenait dans son épaisseur un kyste « communiquant probablement avec la surface ». La cavité de ce kyste, large de deux centimètres, était revêtue d’un épithélium squameux. Plusieurs cas de lipomes ont été remarqués dans la région sublinguale et décrits comme des grenouillettes graisseuses; mais ce sont des tumeurs acquises 2. Lipomes congénitaux du cou. La région du cou est le siège de lipomes congénitaux remar- quables par leur développement considérable, leur forme diffuse et leur situation profonde. Nous avons observé3 un jeune gar- çon venu au monde avec un lipome occupant à la fois le creux sus-claviculaire, la racine du bras et le côté du thorax. La tu- meur sus-claviculaire s’insinuait en arrière sous le trapèze. Celle du thorax, allant de la clavicule au bord axillaire de l’omoplate et descendant jusque vers le mamelon, formait un coussinet sur lequel s’appliquait la face interne du bras. Les deux masses sus et sous-claviculaires étaient reliées l’une à l’autre par un pro- longement intermédiaire passant sous la clavicule. On trou- vait encore des lobules lipomateux le long des vaisseaux du 1. Sydney Jones, ibid., 1881, vol. XXXII, p. 243. 2. Liston, Chirurgie pratique; Fr. Churchill, Trans. ofthe pathol. Soc. of London, vol. XX111, p. 234; Pollock, in Holmes, System of Surgery; Monod, Bull, et Mém. de la Soc. de chir., t. VII, p. 363, 1881 ; Cauchois, Bull, de la Soc. anatom., 1883, rapport de Pozzi. 3. Observation publiée dans la thèse de Sénac, du Lipome congénital, Paris, 1883, p. 35.
    bras, jusqu’au niveau du coude. La surface bosselée, la consis- tance molle de ces tumeurs ne laissaient pas de doute sur leur nature graisseuse. L’extirpation d’une pareille tumeur ne nous parut pas indiquée chez ce très jeune enfant. Holmes1 a, au contraire, enlevé chez une petite fille de dix ans une tumeur ayant un siège et des caractères semblables. C’était un énorme lipome aperçu dès l’âge de dix-huit mois ; il occupait à la fois le creux sus-claviculaire et l’aisselle, mais avec un développement moindre que chez notre malade. Pour en faire l’extirpation, Holmes, après avoir dégagé superficielle- ment la partie sus-claviculaire, dut poursuivre un prolonge- ment qui s’engageait vers l’aisselle en suivant les vaisseaux sous-claviers et le plexus brachial ; il fallut même disséquer mi- nutieusement certains nerfs qui traversaient le lipome : l’artère sous-clavière et le plexus brachial étaient en rapport intime avec la surface de la tumeur. L’enfant guérit de cette laborieuse opération. Briddon2 a opéré un sujet de quatre mois pour un lipome volumineux de l’aisselle. Ce lipome, ayant déjà le vo- lume du pouce à l’âge de deux mois, avait grossi rapidement et remplissait entièrement l’aisselle; pour l’enlever on dut curer complètement le creux axillaire. Frederick Taylor3 a observé chez une fillette de quatre ans un lipome diffus du cou qui produisait depuis quinze mois des troubles de la déglutition. L’aspect extérieur était celui d’un goitre volumineux bilatéral; mais, de plus, la paroi posté- rieure du pharynx était soulevée par une tumeur ovalaire, molle, obscurément fluctuante, et les carotides étaient proje- tées en avant de leur place normale. Les caractères peu ordi- naires de cette tumeur ne suffisant pas pour établir un dia- gnostic, on fit une ponction exploratrice dont le résultat fut 1. Holmes, Thérapeutique chirurgicale des maladies des enfants, édition fran- çaise, p. 603. 2. Briddon, Tumour (Lipoma) of the axilla in an infant four months old : Me- dical Record, 1882, vol. XXII, p. 634. 3. Fr. Taylor, Trans. of the palhol. Soc. of London, 1877, vol. XXVIII, p. 216.
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    encore à la variété diffuse des lipomes qu’appartient un cas que nous avons rencontré, chez un enfant de neuf ans, au-dessous de la rotule et à la partie supérieure de la jambe. Ce lipome, qui avait été aperçu dès l’âge d’un an, avait pris un dévelop- pement assez considérable ; il occupait le quart supérieur de la face antérieure et des deux faces latérales de la jambe. Aucun de slipomes superficiels précédents n’avait d’attaches profondes, soit avec les os, soit avec les aponévroses, comme dans la variété des lipomes ostéo-périostiques. Ce sont des tu- meurs sous-cutanées qui n’ont de spécial que le jeune âge des sujets lorsque leur origine n’est pas absolument congénitale. Assez souvent leur développement est en rapport avec un an- giome, et le fait n’est pas douteux dans l’une de nos obser- vations. Jallet1 (de Poitiers) a observé une sorte de diathèse lipoma- teuse manifestée dès la première enfance. Le sujet de cette observation, une fille âgée de douze ans, portait deux énor- mes lipomes, situés, l’un sur le dos, l’autre sur le cou. Celui du dos avait le volume d’une noix à l’âge de quatre mois. Il acquit plus tard des dimensions énormes ; sa circonférence mesurait quatre-vingts centimètres au moment de l’opération. Le lipome du cou, apparu plus tard, était moins gros; il avait cependant encore d’assez vastes proportions, sa circonférence atteignait quarante centimètres. L’extirpation du lipome dorsal démontra qu’il était sous-jacent au trapèze et au rhomboïde et qu’il se prolongeait par un pédicule profond dans la gout- tière rachidienne jusqu’au-devant de la colonne vertébrale, si bien que l’on fut obligé de sectionner ce pédicule. Cette opé- ration, qui avait nécessité une très large incision, causa une hémorragie très abondante, suivie de la mort de l’enfant. La plante du pied et la paume de la main sont aussi parfois le siège de lipomes diffus chez les très jeunes sujets. 1. Jallet (de Poitiers), Gazette des hôpitaux, 1867, 194.
    Lockwood1 rapporte l’observation d’un enfant de treize mois portant sur chaque plante du pied un lipome qui mettait obs- tacle à la marche. Il en fit l’ablation, ce qui lui permit de cons- tater que les deux tumeurs étaient des lipomes fibreux non en- capsulés. Une observation de Gay2, non moins curieuse, a trait à un enfant de sept mois né avec une petite tumeur de la plante du pied d’un côté seulement. Une tentative d’extirpation faite quelques semaines après la naissance ne put être poursuivie à cause de l’abondance de l’hémorragie. La tumeur ne tarda pas à grossir et à acquérir le volume d’une orange ; sa base s’éten- dait depuis la racine des orteils jusqu’au talon, recouvrant toute la plante du pied, d’un bord à l’autre. On crut à une tumeur maligne, et en conséquence on pratiqua l’amputation de la jambe. L’examen du pied démontra que la tumeur était un fibro-lipome. Gay ajoute que ce lipome n’avait pas d’adhérences profondes et qu’il aurait pu être isolé par dissection. Lockwood3 cite un cas dans lequel Adams dut opérer chez une femme de dix-huit ans un lipome de la paume de la main analogue à ceux qu’il avait vus lui-même sur la plante du pied. Ce lipome, apparu à l’âge de quatre ans, s’était accru lente- ment et avait fini par empêcher les mouvements de la main. L’ablation, assez laborieuse, montra que ce lipome, entouré d’une capsule, se prolongeait profondément entre les muscles de l’éminence thénar. Perrin de La Touche4 a publié, dans les Bul- letins de la Société anatomique, l’observation d’une femme de vingt-sept ans, atteinte d’un fibro-lipome angiomateux de la main. Cette tumeur, visible depuis l’âge de douze ans, s’était surtout accrue dans le cours des deux dernières années, où elle avait acquis le volume d’un petit œuf. Son ablation fut suivie 1. Lockwood, Congénital fatty tumours of the /bot : Trans. of tke pathol. Soc. of London, 1886, vol. XXXVII, p. 450. 2. Gay, Lipoma on sole of the foot : Trans. of the pathol. Soc. of London, vol. XIV, p. 243. 3. Lockwood, loco cit. 4. Perrin de La Touche, Bull.de la Soc. anatom., 1888, p. 441.