Volume 10

Traité des maladies chirurgicales et des opérations qui leur conviennent / par M. le baron Boyer.

  • Boyer, Alexis, 1757-1833.
Date:
1814-1826
    il était dangereux de passer un seul jour sans aller â la garde-robe : elle avait renoncé aux ali- mens solides et au vin, et ne vivait que de fruits , de potages , de bouillons et de lait. Plusieurs praticiens de Paris s'accordèrent à lui conseiller l'usage des mèches, qu'elle ne put supporter quelque minces qu'elles fussent. Un suppositoire de gomme élastique fut tout aussi inutile : ces moyens parurent mênie aggraver la maladie. Après quatre ans de tourmens, elle vint me consulter. Je reconnus une gerçure sur le côté droit de l'anùs, et un spasme du sphincter. Je fis l'incision sur la gei^çiu^e même, et bientôt la malade put aller à la selle sans douleur : depuis cinq ans elle jouit d'une bonne santé. Obs. X.^ Constriction et fissure. Je fus con- sulté au mois de décembre 1809, par M. N., qui avait au côté gauche et antérieur de l'anus,'une gerçure superficielle accompagnée d'un resserre^ ment spasmodique. Quinze ans auparavant, ayant fait un voyage à Genève en poste, et après un excès de table, il avait éprouvé une constipation et une dysurie qui résistèrent long-temps aux bains, aux fo- mentations, auxlavemens, à une ample saignée. Les veines hémorroïdales se gonflèrent : les sang- sues calmaient à la fois des douleurs vagues des membres, et affaissaient les hémorroïdes ; mais bientôt les douleurs devinrent presque perma- i^entes et les selles très-douloureuses , quelle que fût d'ailleurs la consistance des matières. De retour à Paris, M. N.*** consulta plusieurs hommes de l'art, qui conseillèrent le régime le plus sévère, les boissons relâchantes, les mè- ches , etc. : rien ne le calma. Quand je l'opérai, la coarctation de l'anus était 10..
    très-^rancle , les évacuations extraordinairement douloureuses. L'oijération fut faite sur la fissurq même : elle ne fut suivie d'aucun accident, et eut le résultat le plus heureux. Obs. XI." Fissure et constriction. M. Poug... de Chartres, âgé de quarante-ans> avait une fissure à l'anus avec constriction spasmodique du sphnic- ter Trop faible quand je l'opérai pour me don- ner sur sa maladie tous les détails que je dési- rais, voici ce qu'il m'écrivit plusieurs mois après sa ffuérison. «Dès l'âge de dix-huit ans, )'avais des jiemor- roïdes. J'ai toujours eu le fondement étroit, et les selles ont toujours été poiir moi un peu dit- ficiles. En 1806, je fis une maladie grave. Mes hémorroïdes devinreut très-douloureuses ; une d'elles se fit voir à l'extérieur de l'anus ; des sang- sues ne me calmèrent point ; j'éprouvais, en al- lant à la garde-robe, les douleurs les j)lus vives. Dans les elForts auxquels j'étais oblige, il se fit, îe crois, un déchirement à six lignes dans la- nus • depuis cette époque, le mal a toujours été en augmentant ; je passai dix-sept jours sans dor- mir Je vivais de bouillon de poulet, de raism et de poires . afin d'éviter de faire des excrémens. àu bout d'un mois, mes douleurs se calmèrent ; cependant, Vanus était à peine assez large pour recevoir le bout d'une canule. Yers la fin de i8o8 j'allai à Paris consulter M. : levais le teint jaune, le foie embarrassé; il me pres- crivit une boisson apéritive et l'application de vingt sangsues, etc. L'anus était peu douloureux alors ; mais au printemps de 1809, les douleurs se rallumèrent avec plus de force ; je vv^tournoi â Paris consulter le même Chirnrsien. .11 explora i'-mus , m'ordonna d'y iiityoduire dqs mèches :
    je ne le fis point, mais j'allai consulter un autre médecin , qui me prescrivit des laxatifs et des douches ascendantes. J'exécutai de suite ce der- nier remède. La seconde douche causa des dou- leurs si vives, que je ne pus la supporter : c'est alors que j'eus recours à vous, Monsieur. Voilà votre réponse écrite. « Il existe sur la partie gauche du bord de » l'anus, une excroissance hémorroïdale divisée »en deux portions. Entre ces deux portions est «une fissure ou gerçure qui se prolonge dans "l'anus, à la hauteur de cinq ou six lignes. Les " douleurs qu'éprouve M. en allant à la garde- »robe et après avoir rendu les excrémens, dé- «pendent uniquement de la fissure et de la con- » striction spasmodique du sphincter. J'ai observé >' plusieurs fois cette maladie, et je n'ai trouvé • de moyen de la guérir, qu'une incision qui 'Convertit la fissure en une plaie simple qui «fait cesser la constriction du sphincter, lequel 3 se prête alors très-aisément à la sortie des ex- • créiîiens. » Je fis voir celte consultation à M. Pinel, qui fut entièrement de votre avis : vous savez ce que j'éprouvai lors de l'opération. Ma santé , dans ce moment, est très - bonne. Je n'ai plus aucune douleur à l'anus ; nulle dif- ficulté pour aller à la selle; plus d'hémorroïdes, seulement un peu de chaleur lorsque j'ai fait des exercices violens et trop multipliés : alors je prends un lavement, et tout se dissipe. Je chasse fréquemment; je n'ai plus d'ennui, et ma santé ne fut jamais meilleure. » Obs. XII. Constriction et fissure.£'est encore le malade qui parle. Il avait une fissure à l'anus avec constriction spasmodique du sphincter. Wous
    supprimons seulement quelques déiails inutiles de son récit. « J'ai aujourd'hui trente-cinq ans : à l'âge de trente-deux ans, j'éprouvai des douleurs violen- tes d'estomac, accompagnées de vomissemens ; elles durèrent trois jours. Deux ans après, ces douleurs reparurent, mais avec plus d'intensité et de persévérance ; j'en fus tourmenté pendant un mois; j'étais sanguin et coloré, je devins pâle et bilieux. Le docteur SaifFert me prescrivit ses pilules ; j'en prenais assez chaque jour pour amollir les selles, j'en fis usage pendant^ sept mois. Après le second mois, je ressentis à l'anus une cuisson faible, mais très-prolongée ; le doigt me faisait reconnaître un léger gonflement et une dureté de la grosseur d'un pois fort petit. Je sentais de la douleur après les selles. En marchant, je souffrais moins ; assis, j'oubliais très-vite la douleur, mais immobile et debout, je la trouvais souvent aiguë et peu supportable : je continuai mes pilules ; insensiblement les dou- leurs se prolongèrent ; elles devinrent plus aiguës, et m'incommodèrent au moins un quart de la vie. Mon médecin examina l'anus , le trouva sain, à un léger gonflement près. Il me prescri- vit une tisane. Je pris sur moi de m'admmistrer des fumigations et des lotions de lait. Inutiles soins ! Le moment des lotions, celui des fumi- gations passés , je souffrais de nouveau, plus vi- vement, plus long-temps ; je sentais les progrès du mal. Descendre un haut march^-pied de voi- lure me fut pénible ; l'action de tousser me gênait, celle d'éternuer était pour moi redouta- ble, et je n'urinais qu'à la dernière extrémité, tant le jeu de l'anus était sensible ; je deviens morose, triste. Je cessai enfin l'usage des pdulcs
    purgatives; les bains, les sangsues, les lave- mens n'arrêtaient point la marche de la mala- die. Les mèches que M. B... m'introduisit pen- dant trois semaines me causèrent de la douleur et n'amènerent aucun changement favorable. Fatigué de remèdes, inquiet sur la nature de mon mal..., je consultai M. Boyer : après avoir employé pendant deux mois et demi, d'après son conseil, des infusions et une pommade qui me soulagèrent un peu sans me guérir , je me résolus à subir l'opération dont il m'avait, dès sa première visite , fait prévoir la nécessité. Elle a été faite le 20 octobre 1808. Le lit m'a été néces- saire pendant trois jours. Je me suis fait con- duire en voiture au spectacle le seizième jour. On a supprimé la mèche au bout de deux mois, et dès-lors le peu de gêne que j'éprouvais a cessé. Je me crois parfaitement guéri : mes selles sont faciles ; elles contiennent quelquefois un peu de mucosité, ce qui n'exciterait pas mon attention si je n'avais, pour y songer, l'expé- rience de ma maladie. J'ai besoin d'un peu plus de propreté, mais je ne souffre pas. » Obs. Xin. Constriction et fissure. M. P.***, né- gociant , âgé de trente-quatre ans , d'un tempé- rament nerveux, avait depuis plusieurs années des hémorroïdes qui le faisaient souffrir de temps à autre. En 1816, les constipations aux- quelles il était sujet, devinrent plus opiniâtres ; il s'y joignit de la pesanteur sur le fondement ; les selles bientôt furent laborieuses, les lavemens émoUiens et les boissons laxatives indispensables. Cependant la constipation fait des progrès, les clystèrcs ne suffisent plus pour délayer les matières ; les évacuations alvines sont précédées , accompagnées et suivies de douleurs violentes.