Bibliothèque orientale, ou dictionnaire universel, contenant généralement tout ce qui regarde la connoissance des peuples de l'Orient, leurs histoires et traditions véritables ... / [Edited by A. Galland. With 'Éloge' by L. Cousin] par monsieur d'Herbelot.

  • Herbelot, Barthélemy d', 1625-1695.
Date:
1776
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Credit: Bibliothèque orientale, ou dictionnaire universel, contenant généralement tout ce qui regarde la connoissance des peuples de l'Orient, leurs histoires et traditions véritables ... / [Edited by A. Galland. With 'Éloge' by L. Cousin] par monsieur d'Herbelot. Source: Wellcome Collection.

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    & enfin les deux armées s’étant avancées, elles fe trouveront en préfence le dernier mois de l’année 36e. de l’Hégire ; elles commencèrent à le battre par pe- lottons, (ans hafarder un combat général, dès les pre¬ miers jours de l’année 37e., & ne le quittèrent point l’une & l’autre pendant onze mois entiers. On dit même que pendant cent jours, il y eut quatre-vingt- dix combats, qu’Ali y perdit cinq mille hommes, parmi lefquels il y en avoit vingt-cinq qui portoient le titre de Sahabah, c’eft-à-dire, de compagnons du Prophète. Le plus confidérable de ceux-ci fut Am- . mar Ben Jalïèr, Général de la Cavalerie : mais la perte fut beaucoup plus grande du côté de Moavie, qui laiffa morts fur la place 45 mille des fiens. C’eft pourquoi voyant que fes troupes diminuoient beau¬ coup, il réfolut, de concert avec Amru Ben Alas, d’uler de cet artifice. Il fit attacher des Alcorans au bout de plufieurs lan¬ ces , & les fit porter à la tête de fes troupes par des gens qui crioient : „ Voici le Livre qui doit déci- „ der de tous nos différends, & qui défend de répan- „ dre ainli fans raifon le fang des Mufulmans. ” Moa¬ vie & Amru avoient inventé cette rufe pour femer la divifion dans l’armée d’Ali, qui avoit déjà remporté de grands avantages fur lui, & qui pouvoit fe flatter d’une vidoire prochaine, fl le combat eût duré plus long-temps. Ce ftratagême eut le fuccès qu’ils en at- tendoient : car une partie des Iraquiens, qui faifoient la plus grande force de l’armée d’Ali, mit aufii-tôt les armes bas, & le menaça de l’abandonner, & de le livrer même entre les mains de fon ennemi, s’il ne faifoit fonner la retraite. Ali s’apperçut bien du piege que fes ennemis lui avoient drefîe : mais il fallut céder & fe foumettre à la loi de l’Alcoran, qui ordonne de mettre fes intérêts entre les mains d’une perfonne choifie, laquelle jointe à une autre nommée par fon adverfaire, doit déci- ' der du fort des deux parties. Afchaath Ben Cais, un de ceux qui avoient le plus de crédit dans les troupes de l’Iraque, & qui étoit foupçonné d’avoir été corrompu par Moavie , de¬ manda à Ali s’il ne trouvoit pas bon cet expédient; Ali lui répondit froidement : „ Celui qui n’ell pas li~ „ bre, ne peut pas donner fon avis ; c’efi: à vous au- ,, très à conduire cette affaire comme vous l’enten- „ dez. ” Ils nommèrent donc de la part d’Ali, Abou Moufia al-Afchari, homme de bien, mais fortfimple; & Moavie, de fon côté, nomma Amru Ben Alas, qui avoit la réputation d’être le plus rufé des Arabes. Après ce compromis. Ali fe retira à Coufa, & Moavie à Damas, un chacun d’eux laiflànt le commandement de leurs armées à un de leurs Généraux, & l’autorité des chofes qui regardent la Religion, entre les mains d’un Imam particulier. Ali ne fut pas content du choix d’Abou Moufla, & s’en déclara même affez ouvertement, voulant fubf- tituer en fa place Abdallah Ben Abbas : mais il fallut céder au fentiment d’Afchaath, qui étoit à la tête d’un parti déjà à demi-révolté; en effet, il leva peu après tout-à-fait le mafque, & fut le premier chef des Khare- giteSi nom qui fignifie ceux qui fe révoltent contre les deux puiflànces politique & religieufe. . Ce choix étant fait, les deux arbitres nommés fe rendirent à Doumac al-Giondal, lieu fitué entre l’Ira- raque ou Chaldée, & la Syrie. Amru qui connoiffoit le génie de fon collègue, lui fit d’abord de grandes civilités, & s’infinua par-là dans fon efprit ; en forte qu’il lui perfuada que pour rétablir la paix entre les Mufulmans, il étoit absolument néceflàire de dépofer Ali & Moavie, afin que l’on pût élire un Khalife qui fût au gré de tous. Cet article important étant accordé entr’eux, on éleva une tribune au milieu des deux ar¬ mées où chacun des arbitres devoit publier fon avis. Quand il fut queflion de monter fur la tribune, Abu 85 A L. Mouffa voulut faire pafler Amru le premier : mais celui-ci lui allégua tant de raifons qu’il avoit, de lui céder le pas, qu’il l’obligea de paiïèr le premier. Abu Moufla étant donc monté le premier fur la tribune, dit à haute voix ces paroles:,,Je dépofe Ali „ & Moavie du Khalifat qu’ils prétendent, de la mê- „ me maniéré que je tire cet anneau de mon doigt ; ” & après avoir fait cette déclaration, il defeendit aufll- tôt. Amru y monta enfuice, & dit ces paroles : „ Vous „ avez entendu, Meilleurs, comment Abu Moufla a „ dépofé Ali fa partie ; quanta moi, je le dépofe auffi , „& je donne le Khalifat à Moavie, l’en inveftiflànc „ de la même maniéré que je mets cet anneau dans ,, mon doigt; & je le fais avec d’autant plus de jufti- „ ce, qu’il a été déclaré par Othman pour fon fuccef- „ feur, & qu’il s’efl: porté pour vengeur de fa mort. ” Aufli-tôt que cette publication eût été faite, ceux du parti d’Ali, honteux d’un fuccès fi peu attendu, fe plaignirent aigrement d’Abu Moufla. Celui-ci, de fon côté, accufoit Amru de n’avoir pas gardé la convention qu’ils avoient faite entr’eux : on en vint des plaintes aux injures; & enfin, Abu Moufla qui craignit la colere d’Ali, ne fe croyant pas en fûreté dans le camp, s’enfuit, & fe réfugia à la Mecque. Les deux partis vinrent enfuite à fe maudire, & à s’excommunier folemnellement l’un l’autre ; & cette malédidion réciproque a duré fort long-temps dans le Mufulmanifme, entre la Maifon d’Ali & celle d’Om- mie, de laquelle Othman & Moavie étoient. 11 faut remarquer ici, avant que de pafler plus avant, que le traité de paix qui fuivit la fufpenfion d’armes entre Ali & Moavie, ayant été rédigé par écrit, le Secrétaire mit à la tête ces paroles : Ali, Chef <S? Commandant général des Mufulmans , accorde là paix à Moavie, aux conditions qui fuirent. Moavie lifant ces premiers mots, dit : „ Il faudrait que je „ fuflè un fort méchant homme, fi je faifois la guerre „ à celui que je reconnois être le Chef & le Com- „ mandant général de tous les Fidèles. ” Amru Ben al As dit alors qu’il falloit abfolumenc effacer cette qualité de Chef des Fideles. Ahanaf Ben Cais s’adreflànt à Ali, lui dit, qu’il ne devoit jamais permettre que l’on lui ôtât ce titre : mais Ali lui ré¬ pliqua, qu’étant autrefois Secrétaire des commande- dements de Mahomet fon beau-pere , il avoit lui- même drefle les articles de paix entre lui & Sohail qui s’étoit révolté contre lui, & qu’ayant qualifié Ma¬ homet Apôtre & Envoyé de Dieu, Sohail lui dit : „ Si je reconnoiflbis votre beau-pere pour l’Apôtre „ & l’Envoyé de Dieu, je n’aurois point de paix à „ ligner avec lui : car je ne lui aurais jamais fait la „ guerre : ” Je rapportai cette difficulté à Mahomet, & il me répondit : „ Effacez hardiment ce titre, car „ il ne dépend pas de ce traité ; ce fera le temps qui „ en déclarera la vérité, & fouvenez-vous qu’il vous „ arrivera un jour un cas affez femblable. ” Ali con- lentit donc que l’on lui ôtât pour lors la qualité dont Abu Moufla le dépouilla enfuite folemnellement, comme nous avons vu. Toutes ces chofes fe paflèrent l’an 37e. de l’Hégire, & de J. 657, auffi-bien que la défedion des Kharegites qui fe fouleverent con¬ tre Ali. Le fujet de leur révolté, fut qu’Ali ayant mis fes intérêts entre les mains de deux Arbitres, comme nous avons vu, quelques-uns d’entre les Iraquiens lui di¬ rent qu’il avoit eu grand tort de remettre au jugement des hommes ce qui ne devoit dépendre que de celui de Dieu, & qu’au-lieu de maintenir la paix qu’il ve- noit de faire, il devoit pourfuivre fes ennemis, qui étoient auffi ceux de Dieu, fans quartier. Ali leur ré¬ pondit qu’ayant donné une fois fa parole, il étoit obligé de la garder, & qu’il fuivoit en cela ce que la loi de Dieu lui preferivoit. Ces gens-ci lui répli¬ quèrent qu’il n’y avoit point d’autre Juge ou Arbitre /