Le catéchisme de la médecine physiologique; ou, Dialogues entre un savant et un jeune médecin, élève du professeur Broussais; contenant l'exposé succinct de la nouvelle doctrine médicale et la réfutation des objections qu'on lui oppose ...

Date:
1824
    LE SAVANT. Observe-t-on quelquefois de pareilles pro- longations dans la pratique des anciens méde- cins ? LE .1EUNE MÉDECIN. Hippocrate rapporte des exemples de durée qui ont dépassé cent jours ; c’est qu’il ne tour- mentaitpassesmaladespar des stimulauts:mais nos browniens modernes observent rarement de pareilles marches ; l’irritation qu’ils font souffrir aux organes digestifs, aussitôt que les malades commencent à perdre leurs forces, amène promptement la mort, au milieu des convulsions et du délire. Quelquefois cepen- dant il en est qui résistent; mais , quand ils ne sont pas tirés d’affaire par de violentes crises , ils restent dans la langueur bien au-delà d’une centaine de jours, car leur santé est chance- lante pendant long-temps. LE SAVANT. ■ >v'' • Ji i Lorsque la lièvre se prolonge malgré votre traitement, les malades souffrent-ils beau- coup ? LE JEUNE MÉDECIN. Ils ne souffrent point du tout, et l’on dirait
    qu’ils n'ont plus de phlegmasie. Aussi quel- ques médecins très ignorants en physiologie , quoique d'ailleurs fort instruits et gens d'es- prit, ont cru que la fièvre devenait indépen- dante de toute affection locale lorsqu’ils l'ont vue continuer après qu’ils avaient fait cesser les douleurs de l’estomac et des intestins par les saignées locales : ils ne savaient pas que l’inflammation de la membrane muqueuse du canal digestif est rarement douloureuse, qu’elle n’a nul besoin de la sensibilité locale pour être reconnue; que la sensation eontusive des membres , l’inaptitude à l’exercice , la fré- quence du pouls, la chaleur âcre delà peau , la douleur de la tête, suffisent pour la carac- tériser lorsqu’il s’y joint la rougeur de la lan- gue, l’inappétence, la soif, la chaleur plus vive au ventre que partout ailleurs; et, à plus forte raison, la fuliginosité, la couleur brune de la langue, et la stupeur. Ils ne connaissent point le mode de sensibilité du canal digestif, et ne savent pas que l’on reconnaît plutôt son irritation par l’influence qu’il exerce sur les autres organes et par les sensations pénibles qu’il y développe, que par ses propres douleurs. Mais un bon élève de la doctrine physiolo- gique n’ignore point ccs particularités : il re-
    connaît la gastro-entérite sans avoir besoin de presser durement le ventre des malades pour y faire naître de la douleur ; et, sur les plus lé- gers indices, il attaque directement cette ma- ladie, l’enlève, et prévient l’explosion de toutes les prétendues fièvres qui ont fait le tourment des médecins de tous les siècles passés. LE SAVANT. Tout cela me parait bien étrange. Je vous accorderai bien que les fièvres, dans leur dé- but , peuvent être arrêtées par des saignées ; mais lorsqu’elles sont parvenues à l’adynamie, ce qui signifie faiblesse, défaut de forces, il me semble que le traitement antiphlogistique ne convient plus. LE JEUNE MÉDECIN. C’est une erreur, monsieur. Si la faiblesse est dans les organes du mouvement (les mus- cles), c’est pareeque la force est concentrée dans les viscères, comme le prouvent l’ardeur qui les consume et qui se répète à la peau , l’extrême accélération des battements du cœur, et la promptitude avec laquelle les forces mus- culaires se rétablissent aussitôt que le sang a coulé. C’est à cette ignorance de la direction
    vicieuse des forces que l’on doit la prolonga- tion de la plupart des prétendues fièvres essen- tielles, car il est peu de médecins qui n’en commencent le traitement parles antiphlogis- tiques ; mais aussitôt qu’ils voient les forces diminuer, la terreur de l’adynamie les porte à recourir aux stimulants, au vin, au kina, à la serpentaire de Virginie, au camphre, etc. : la phlegmasie se ranime, la membrane mu- queuse des intestins s’ulcère, et il faut beau- coup de temps pour obtenir la guérison , même en suivant la méthode la plus rationnelle. LE SAVANT. Ouoi ! monsieur, vous croyez que les voies digestives sont ulcérées dans les fièvres putrides ou adynamiques? Si cela était, on ne pourrait jamais les guérir. LE JEUNE MÉDECIN. r 4 1 i i * • Je vous demande pardon : la nature les gué- rit dans l’espace de quelques semaines, si on ne la trouble point par des stimulants, pourvu que le malade ne soit pas trop épuisé; et lors- qu’il succombe au marasme, pendant ce travail, on trouve dans les intestins un grand nombre d’ulcères déjà cicatrisés ; ce qui prouve que si
    le malade avait pu résister plus long-temps, la guérison eût été complétée. LE SAVANT. Donc il faut soutenir ses forces pour l’empê- cher de succomber. LE JEUNE MÉDECIN. D’accord; mais c’est avec des boissons gom- mées , sucrées et mucilagineuses , auxquelles on ajoute parfois un sixième de lait, qu’on doit le faire. Le bouillon de poulet le plus léger suffit même quelquefois pour exaspérer l’in- flammation et, avec elle, la fièvre ; à plus forte raison doit-on éviter les consommés, le vin, le quinquina et les drogues incendiaires. LE SAVANT. Alors vous devez avoir de très longues con- valescences; et c’est là , ce me semble, le re- proche que l’on vous fait assez généralement. LE JEUNE MÉDECIN. Un tel reproche n’est point fondé. Ce qui prolonge les convalescences , c’est l’irritation qui reste dans les organes après la terminaison des fièvres. Aussi les convalescences sont-elles fort longues à la suite des adynamiques traitées