Volume 1

Traité de toxicologie / par M. Orfila.

Date:
1843
    PRÉFACE. Depuis la publication de la troisième édition de cet ou- vrage, j’ai cru devoir étudier sous un point de vue nouveau la partie médico-légale de l’intoxication produite par les principaux poisons, afin de donner aux experts les moyens de les déceler dans le cas où il serait impossible d’en con- stater la présence dans les selles, dans les matières vomies, ou dans celles que l’on trouve dans le canal digestif après la mort. On voit déjà qu’il s’agit de la recherche de cette portion de la substance toxique qui a été absorbée et portée dans nos tissus et dans l’urine. Les discussions animées et souvent ridicules qui ont été soulevées à l’occasion de mon nouveau travail n’ont abouti, en définitive, qu’à lui faire prendre racine beaucoup plus tôt que je n’osais l’espérer. Aujourd’hui l’expert qui, en matière d’empoisonnement, négligerait de soumettre à l'analyse le sang, le foie et l’urine d’un cadavre , dans tous les cas où il n’aurait point trouvé le toxique dans les selles, dans les matières vomies et dans le canal digestif, serait au-dessous de sa mission et pourrait encourir de graves reproches. J’ai en même temps apporté de grands changements aux procédés indiqués jusqu’à ce jour pour découvrir les sub- stances vénéneuses qui auraient été mêlées ou combinées avec des matières organiques ou qui auraient été décompo- sées par elles. Ce travail, poursuivi sans relâche depuis plu- sieurs années, en ouvrant un nouveau champ à la médecine légale, m’a encore permis de simplifier la plupart des pro- cédés dont je parle, et de donner aux opérations analytiques un degré de précision et de certitude qu’elles n’avaient pas jusqu’alors: ainsi, pour ne citer qu’un fait, je suis parvenu, à laide A'un même procédé, la carbonisation par l’acide azo- tique, à constater (acilemeut dans les organes et dans les
    matières solides la présence du cuivre, du plomb, de l’é- tain , du bismuth , de l’argent, de l’or, etc. Dans les nombreuses expériences que j’ai tentées , j’ai suivi une marche qui me paraît irréprochable et qui n’avait encore été adoptée par personne. Constamment, dans une première, série d’essais, j’ai mélangé de très petites quantités de la substance vénéneuse que j’étudiais avec des propor- tions considérables de matières alimentaires, telles que le lait, le bouillon , le café, le vin. etc. ; puis j’ai agi sur une quantité au moins aussi forte de la même matière alimen- taire, sans addition de la substance vénéneuse. J’ai ensuite. expérimenté comparativement sur les matières trouvées dans le canal digestif, ainsi que sur ce canal, sur les viscères et sur l’urine d’animaux que j’avais empoisonnés avec des doses variables d’un toxique, et sur les mêmes parties d’animaux de même espèce que je tuais quelques heures après leur avoir fait prendre des aliments, et qui n avaient avalé au- cun poison. Ce moyen , trop souvent négligé par les expéri- mentateurs, pouvait seul me permettre d’arriver à des ré- sultats certains, et me fournir les moyens de relever une foule d’erreurs graves débitées par ceux qui n’avaient pas suivi la même voie. Je me suis bien gardé d’imiter les auteurs qui ont cru devoir consigner tout au long dans leurs ouvrages des îap- porls faits en justice sur des affaires déjà jugées. Ces rap- ports , présentés apparemment aux lecteurs comme des mo- dèles à suivre plus lard, ne peuvent être d’aucune utilité et induisent souvent en erreur : ils sont inutiles, car, dès que l’on a décrit le procédé le plus convenable pour découvrir la matière vénéneuse dont on parle, lexpeit na pas besoin qu’on lui dise que c’est par le même procédé que l’on a opéré dans l’affaire A, B, C ou I); je dis, en outre, que de pareils rapports induisent souvent en erreur, et on le concevra si l’on songe aux progrès qu’a pu faire la science sur les points qui font l’objet de ces rapports;' ainsi, pour ne citer que quelques exemples, n’esl-ce pas engager un expert à mal opérer que de lui tracer, comme l’a lait M. Devergie, la marche qu’il a suivie dans plusieurs expertises relatives à
    l'empoisonnement par l’acide sulfurique et celle que nous avons adoptée dans l’affaire Mercier, de Dijon? Évidemment, pour ce qui concerne l’acide sulfurique, les moyens em- ployés, et à l’aide desquels on a conclu à l’existence de cet acide, sont loin de prouver qu’il y en eut réellement (voy. Acide sulfurique, p. 112 de ce vol.); et quant à l’affaire Mercier, de Dijon, quoiqu’on ne puisse élever aucun doute sur la présence de l’arsenic dans le foie du cadavre soumis à nos investigations, il n’en est pas moins certain que, de- puis l’époque où nous fîmes celte expertise (mai 1040), bien des perfectionnements ont été introduits dans la recherche de l’acide arsénieux, soit pour obtenir une plus grande quan- tité d’arsenic et pour mieux le condenser, soit pour détruire plus complètement la matière organique. La partie physiologique de l’empoisonnement devait éga- lement subir des modifications importantes dès qu’il est dé- montré que les poisons, après avoir été absorbés, existent matériellement dans les organes et notamment dans le foie, et qu’ils se retrouvent, au bout d’un certain temps, dans l’urine, liquide excrémentiliel avec lequel ils sont expulsés. Je dirai enfin que je n’ai rien négligé pour éclairer la thé- rapeutique de l’empoisonnement. Convaincu par des expé- riences nombreuses que les animaux empoisonnés se débar- rassent, surtout par la sécrétion urinaire, de la portion du toxique absorbé, j’ai vu ces animaux guérir facilement toutes les fois que l’on parvenait à les faire uriner abondamment par le moyen de diurétiques administrés en temps opportun, et que l’on avait eu soin d’expulser des premières voies l’excé- dant du poison. Justice a été laite de la médication tonique cl excitante, si maladroitement prônée dans ces derniers temps par les sectaires de l’école Rasorienne dans l’empoi- sonnement par l’arsenic. Je me suis également occupé des avantages et des inconvénients que pouvaient offrir certains antidotes proposés dans ces derniers temps.
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    TABLE DES MATIERES COMENUES DANS CE VOLUME. Notice bibliographique Introduction •'*’ Considérations générales sur les moyens qui doivent être mis on usage lorsqu’on se propose d'étudier avec succès une substance vénéneuse p i- Problème. — Déterminer quels sont les moyens les plus propres à faire connaître l’action des substances vénéneuses sur l’économie animale. IP' Problème. — Déterminer quels sont les moyens généraux propres à combattre les effets des poisons introduits dans le canal digestif. IIP Problème. — Déterminer quels sont les moyens propres à faire connaître les poisons Des expériences faites sur les animaux vivants, dans le dessein d é— clairer l’histoire de l’empoisonnement chez l’homme De la ligature de l’œsophage Effets de la ligature de l’œsophage sur les chiens Des expériences tentées sur les animaux vivants , dans le dessein de déterminer si les matières suspectes exercent ou non sur eux une actiou délétère De l’imbibiliou des liquides considérée sous le point de vue de 1 em- poisonnement Conclusions SECTION PREMIÈRE. Des poisons eu particulier, de leurs propriétés chimiques , des sym- ptômes auxquels ils donnent naissance, des lésions de tissu qu’ils produisent, de leur action sur l’économie animale , et dn traite- ment de l’empoisonnement qu ils déterminent CLASSE 1" — Des poisons irritants Symptômes produits par les poisons irritants Lésions de tissu produites par les poisons irritants Action générale des poisons irritants sur l’économie animale.. . . Traitement général de l’empoisonnement par les irritants Du phosphore Action sur l’économie animale