Recherches sur les sociétés d'enfants / par J. Varendonck.

Varendonck, J.

Date:: 1914

Catalogue details

Licence: In copyright

Credit: Recherches sur les sociétés d'enfants / par J. Varendonck. Source: Wellcome Collection.

27/112 (page 17)

cas, se laisse faire ou proteste. Mais la cohésion est minime et imposée par les cir- constances, qui réunissent les élèves dans un même local et les soumettent aux mê- mes règles. Ils ne se plient à aucune convention, même tacite, qui serait le résultat d’un accord entre eux. Or, c’est là une des premières caractéristiques des groupes que nous rencontrerons plus loin. L’individualisation est encore évidente. En un mot, il y a juxtaposition d’individus et non encore coordination. Quand on considère des enfants un peu plus âgés, on voit graduellement des groupes spontanés se former. Mais les individus ne se rendent guère compte de cette formation. Ainsi ils ne se consultent encore qu'exceptionnellement sur les jeux qu’ils adopteront. Mais ils se livrent à de véritables jeux collectifs, comme le jeu des « quatre coins », auxquels participent alors un grand nombre d’élèves (i). Plus sou- vent, les élèves de cet âge jouent par groupe de deux ou de trois sans grande cohé- sion. 11 peut arriver qu’il se forme spontanément, déjà parmi les enfants de 7 ans, des groupements qui ont tous les caractères des foules d'adultes :un jour,un garçon de 7 ans qui avait taquiné deux de ses camarades, voit tout à coup ses deux victimes se tourner contre lui et le frapper avec ensemble. En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, il est entouré par tous ses condisciples et tous, même un de ses amis qui va cependant tous les jeudis jouer avec lui, le frappent en criant. Les coups tombent drus et cette attaque collective et spontanée est d’autant plus étonnante que celui qui en est l’objet est un des leaders de sa classe. L’intervention du maître met fin à la scène; une minute plus tard, la victime a regagné son prestige de leader et entraîne une demi-douzaine de ses condisciples à jouer au mailcoach. Ne serait-ce pas là une foule dans le sens que Lebon (2) attache à ce mot (( Dans certaines circonstances données, dit-il, et seulement dans ces circonstances, une agglomération d’hommes possède des caractères nouveaux fort différents de ceux des individus composant cette agglomération. La personnalité consciente s’éva- nouit, les sentiments, les idées de toutes les unités so.nt orientés dans une même direction. Il se forme une âme collective ». Cette observation semble aussi contredire l’assertion de Tarde (3) pour qui « l’enfant ne connaît pas les suggestions impersonnelles, c’est-à-dire la pression exercée par une grande masse, foule ou public ». (1) Le préau est soutenu par deux rangées de piliers en fer. Il y a autant de joueurs que de piliers plus un. Sauf un élève qui se place au milieu du préau, chacun touche un pilier. A un moment donné îes joueurs changent de pilier en courant. L’enfant qui se trouve au milieu doit tâcher de toucher un pilier quelconque avant un des autres joueurs. Il en reste toujours un qui n’a pas trouvé de pilier. C’est celui-là qui « y est ». Dans un autre jeu les enfants se tiennent par la main autour d’un cercle tracé par terre. «Joue avec » qui veut. Ils se tirent et se bousculent dans tous les sens, car il s’agit de forcer un des joueurs à mettre le pied à l’intérieur du cercle sans que la chaîne puisse se rompre. Celui qui touche à l’endroit défendu doit quitter le jeu, qui continue jusqu’à ce qu’il ne reste plus que deux joueurs. (2) G. Lebon. — Psychologie des foules, p. 12. (3) G. Tarde. — Interpsychologie infantile, p. 164.