Œuvres chirurgicales complètes ... / traduites de l'anglais, avec des notes, par É. Chassaignac et G. Richelot. Ouvrage publié sur le texte de l'édition qui paraît actuellement à Paris sous la direction du Docteur Marinus.

  • Cooper, Astley, Sir, 1768-1841
Date:
1835
    lorsqu'on saute d'une hauteur considérable, ou lors- que, courant avec vitesse, le gros orteil tourné en dehors, le pied est subitement arrêté dans son mou- vement, tandis que le corps est porté eu avant sur lui : alors les ligamens situés au côté interne du coude-pied se rompent. Elle peut être également causée par une chute surlecôté,le piedétant retenu. Pour reconnaître la fracture du péroné, il faut sai- sir la jambe immédiatement au-dessus du coude-pied et imprimer au pied des mouvemcns étendus de ro- tation. Les mouvemens du pied en se communiquant au péroné, déterminent de la douleur et de la crépi- tation. Pour la réduction, à laquelle on ne saurait trop tôt recourir, le malade doit être placé sur un matelas, et reposer sur le côté de la luxation. Le chirurgien fléchit alors la jambe à angle droit sur la cuisse, de manière à mettre les muscles gastrocnémiens, dans le plus grand relâchement possible; tandis qu’un aide saisissant le pied et exerçant sur lui une extension gra- duelle, doit le ramener dans la direction de la jambe. Alors le chirurgien , fixant le fémur, presse sur l’ex- trémité inférieure du tibia , de manière à reporter celui-ci sur la surface articulaire de l’astragale (1). Si que l’astragale refoulé au dessus du niveuu de l’extrém'lé infé- rieure du tibia, remonte dans l’épaisseur de la jambe sans éprouver de déviation latérale très-marquée; de Luxation en dehors, parce que l’ensemble du pied est en dehors de l’extré- mité inférieure du tibia. Hais nous le répétons, d’après le sens habituel des dénomi- nations appliquées aux luxations latérales du pied , lesquelles supposent une rotation, une torsion du pied sur son axe, celle luxation ne se rattache à aucune des luxations du pied, et constitue une espèce particulière qui est caractérisée , qu’on nous passe cette expression , par le refoulement du pied dans la jambe. Voici le rapport exact de ce pied ainsi refoulé avec l’extrémité inférieure des os de la jambe : 1° A la partie interne du pied qui n’est pas tordu, mais seulement remonté en masse, se trouve le tibia échancré par l’absence, d’un fragment très- mince, et débordant l’astragale en bas et en dedans ; 2° en de- hors, un fragment osseux double , composé de la malléole externe avec deux pouces de péroné, et du fragment lamel- laire qui compléterait le tibia ; 3° en haut, l’extrémité brisée du péroné qui repose sur la face supérieure Je l’astragale. (l) D’après les principes le plus généralement admis pour la réduction des luxations, on trouvera que c’est une tentative peu rationnelle de la part du chirurgien, que de chercher à ramener le tibia sur l’astragale , c’est-à-dire la partie qui doit rester immobile sur celle qui est déplacée. Il y a beaucoup plus d’avantages à tenir complètement fixe la brisure supérieure dans un membre luxé, et à n’agir que sur la partie inférieure ; les manoeuvres de réduction en retirent beaucoup plus de pré- cision et d'ensemble. L’habitude de dénommer les luxations du pied déplacemens ou luxations du tibia, n’aurail-ellc pas exercé quelqu’influence sur la manière dont se comportent ceux qui ramènent ainsi le tibia dans ses rapports avec le pied, fie ne serait pas la première fois que les habitudes du langage se trou- veraient traduites en faits pratiques. On voit que même sous ce rapport, les principes des chirurgiens français sur la manière de dénommer les luxations, auraient ici tout l’avantage. (Note des trad.) la jambe était dans l’extension , une grande force de- viendrait nécessaire pour lutter contre la résistance des muscles jumeaux ; mais lorsque la jambe a été préalablement fléchie , l’on voit les parties reprendre leur situation naturelle par une extension comparati- vement légère, dans des cas où des tentatives de ré- duction avaient été faites en vain auparavant. Après la réduction, la jambe doit reposer sur le côté externe, dans la position fléchie, le pied con- venablement soutenu. Un bandage à plusieurs chefs doit être placé sur la partie pour prévenir le glisse- ment, et arrosé constamment de lotions évaporantes. On place ensuite deux attelles, dont chacune est cou- dée suivant ses bords , pour supporter le pied, préve- nir son renversement en dehors et le tenir à angle droit avec la jambe. S’il survient une forte inflamma- tion, on doit recourir à des applications de sangsues, et on combattra avec avantage les accidens généraux par la saignée du bras et l’administration des pur- gatifs. Au bout de cinq ou six semaines, le malade peut sortir de son lit, et marcher avec des béquilles, pourvu qu’on ait soin d'entourer l’articulation de longues ban- des de sparadrap pour maintenir les partiesen rapport ; mais il s’écoule dix à douze semaines avant que le pied ait recouvré tous ses mouvemens. Après la hui- tième semaine, il faut faire des frictions et imprimer au pied des mouvemens, afin de lui rendre sa mobi- lité naturelle. LUXATION SIMPLE DU PIED EN-DEHORS. Celte espèce de luxation est la plus dangereuse des trois, car elle est produite par une violence plus con- sidérable, et s’accompagne d’une plus forte contusion des tégumens , d’une dilacération plus étendue des li- gamens , et de lésions plus graves des os. La face plantaire du pied regarde en dedans, son bord externe appuie sur le sol. La malléole externe repousse forte- ment la peau en dehors, et forme une tumeur si re- marquable qu’on ne peut se méprendre sur la nature de la maladie. Le pied et les orteils sont dirigés en bas. A la dissection , on trouve la malléole interne frac- turée obliquement et séparée du corps du tibia. Quel- quefois la fracture n’intéresse que la malléole : d’au- tres fois elle traverse obliquement la surface articulaire du tibia qui est porté en avant et en dehors sur l’as- tragale, au devant de la malléole externe. Quelque- fois l’astragale est fracturé, et l’extrémité inférieure du péroné est brisée en plusieurs éclats. Le ligament latéral interne reste intact , mais le ligament capsu- laire est déchiré à sa partie externe. Dans la plupart des cas, les trois ligamens péronéo-tarsiens sont con- servés, mais quand le péroné n’est pas fracturé ils sont rompus. Aucun des tendons n’est déchiré, et il ne se fait presque jamais d’épanchement de sang, parce que les grosses artères échappent alors ordinai- rement à toute déchirure. Cet accident est déterminé soit par une roue de voi- ture qui passe sur la jambe , soit par la distorsion du pied dans un saut, ou dans une chute. Le mode de réduction est le suivant : on doit pla- cer le malade sur le dos, fléchir la cuisse à angle droit sur le tronc, et la jambe sur la cuisse ; un aide saisit
    la cuisse en plaçant les mains dans la re'gion poplitée, tandis qu’un autre saisit le pied ; l’extension est ainsi faite dans le sens de l’axe de la jambe, tandis que le chirurgien pousse le tibia en dedans vers l’astra- gale. Dans la luxation simple , le membre doit être placé sur le côté externe, maintenu par deux attelles cou- dées ; un coussin doit être placé sur le péroné immé- diatement au-dessus de la partie externe de l’articula- tion , et se prolonger en haut de quelques pouces, dans une étendue suffisante pour soulever cette por- tion de la jambe et la soutenir , ainsi que pour pré- venir le glissement du tibia et du péroné sur l’astra- gale , aussi bien que pour modérer la pression de la malléole externe sur les tégumens, dans le lieu où ils sont conlus. On doit recourir au même traitement général et local, que dans le cas précédent, en insistant toute- fois davantage sur les évacuations sanguines, l'inflam- mation étant plus intense. On doit apporter les plus grands soins à prévenir la déviation de la plante du pied en dedans, ou la tendance de sa pointe en bas, double circonstance qui amène pour la suite l’inutilité du membre. Le moyen le plus convenable consiste à appliquer de chaque côté de l’articulation une attelle coudée suivant ses bords et bien matelassée. Six semaines après l’accident on doit recourir aux mouvemens passifs ; c’est l’époque à laquelle le malade peut se lever et marcher avec le secours des béquilles, à moins qu’un gonflement considérable de l’articulation ne s’y oppose. Dans la majorité des cas, la guérison est complète au bout de dix ou douze se- maines. LUXATION SIMPLE DU TIED EN ARRIÈRE. Dans celte espèce de luxation , le pied paraît très- raccourci et immobile ; le talon est alongé dans la même proportion et solidement fixé ; les orteils sont tournés en bas ; l’extrémité inférieure du tibia forme une saillie prononcée sur la partie supérieure et moyenne du tarse , au-dessous des tendons qui se trou- vent repoussés en avant ; une dépression existe entre le tendon d’Achille et les os de la jambe. A la dissection, on voit que le tibia repose sur la surface supérieure du scaphoïde et du premier cunéi- forme ; il a abandonné toute la surface articulaire de l’astragale, excepté une petite portion, contre laquelle il est appuyé ; le péroné est fracturé ; son fragment supérieur s’avance avec le tibia, et se trouve contigu à cet os : la malléole externe reste dans sa position naturelle ; mais le péroné est fracturé à trois pouces environ au-dessus: le ligament capsulaire est déchiré en avant; le ligament latéral interne n’est déchiré que partiellement, et les trois ligamens du péroné sont intacts. Cet accident reconnaît pour cause une chute du corps en arrière, tandis que le pied est retenu ; il peut encore avoir lieu quand une personne saute hors d'une voilure qui roule avec rapidité , si elle tombe la pointe du pied dirigée en avant. Voici en quoi consiste le traitement : on place le malade dans le décubitus dorsal : un aide saisit la cuisse à sa partie inférieure et la retient en haut; un autre lire le pied dans le sens d’une ligne située un peu au devant de l’axe de la jambe , et le chi- rurgien pousse le tibia en arrière pour le ramener dans sa position. On doit du reste dans la réduction de celte luxation se guider, pour relàcherles muscles, sur les mêmes principes que dans les luxations pré- cédentes ; on doit appliquer ensuite un bandage à plu- sieurs chefs sur lequel on fait des lotions évaporan- tes, et recourir au même traitement général et local que précédemment. Quant à la position, celle qui est la plus convena- ble consiste à placer le talon sur un oreiller , à appli- quer sur les côtés de la jambe des attelles suffisamment matelassées , et coudées pour maintenir le pied à an- gle droit avec la jambe, et pour prévenir la tendance des muscles à le déplacer de nouveau. La consolida- tion du péroné pouvant être effectuée au bout de six semaines , le malade peut à cette époque sortir du lit, et de légers mouvemens passifs doivent être imprimés au pied. M. Dupuytren a recommandé une seule attelle très- rembourrée le long de la partie externe ou interne de la jambe , suivant le sens de la luxation, et fixée à la jambe et au pied par un bandage. LUXATION INCOMPLÈTE DU PIED EN ARRIÈRE. Quelquefois , dans la luxation du pied en arrière, le tibia repose à moitié sur l’os naviculaire , et à moitié sur l’astragale. Le péroné est fracturé. Le pied ne pa- raît que peu raccourci, et le talon est peu proéminent. Le pied regarde en bas ; il ne peut être posé à plat sur le sol qu’avec peine ; le talon est tiré en haut, et le pied n’a que très-peu de mobilité. Observation 49e. — Le premier cas de cette espèce que j’aie vu s’est présenté chez une femmetrès-robuste, qui, dans une chute , s’était, disait-elle, foulé le pied. Le pied était immobile , dirigé en bas : une vive dou- leur se faisait sentir au-dessus du coude-pied. Je ne pus ni attirer le pied en avant, ni le fléchir. Quelques années après , je revis celte femme , elle marchait avec des béquilles : le gros orteil était tourné vers lo sol, sur lequel elle ne pouvait appuyer aucune au- tre partie du pied ; la déviation était moindre que dans la luxation complète ; mais, tout gonflement étant alors dissipé, on reconnaissait plus facilement la luxa- tion , et cependant je ne l’aurais pas reconnue d’une manière positive , si je n’eusse vu le pied d’un sujet disséqué à l’hôpital de Guy, et qui offrait la mémo luxation. Chez ce sujet la surface articulaire inférieure du tibia était divisée en deux facettes : la partie antérieure répondait au scaphoïde , la postérieure à l’astragale. Le frottement avait rendu très-lisses les deux surfaces de l’extrémité inférieure du tibia. On trouva une frac- ture du péroné. Les résultats anatomico-palhologiqucs de cette luxa- tion démontrent clairement la nécessité où l’on est, dans les cas de cette nature , de ne jamais s’en tenir à un premier examen , et de ne renoncer aux manœu- vres de réduction que quand le pied a repris sa posi- tion naturelle et recouvré ses mouvemens ; car si la maladie est négligée à son début, l’inflammation et le gonflement peuvent rendre inutile dans la suite une extension même considérable ; et si la maladie est négligée pendant long-temps , les changemens qui s’o-
    pérenl dans l’état des muscles et la consolidation de ia fracture du péroné , rendent impossible toule ré- duction. Le mode de réduction et le traitement con- sécutif ne diffèrent en rien do ceiui qui est requis dans la meme luxation quand elle est complète. LUXATIONS COMPLIQUÉES DU COUDE-PIED. Ces luxations ont lieu dans le même sens que les luxations simples. Ce qui établit la différence entre les luxations compliquées elles luxations simples, c’est que dans les premières l'articulation est ouverte, et laisse échapper la synovie au dehors par une plaie à travers laquelle les extrémités des os font saillie. Ordinairement celte plaie est produite par l'os ; mais quelquefois elle est le résultat de la pression exercée par quelque inégalité de la surface contre laquelle celui-ci a porté. Après la réduction, la synovie s’épanche à travers une large plaie , et l’inflammation survient en quel- ques heures. Aussitôt que l’afflux du sang vers celte partie est plus considérable, la synoviale sécrète une exsudation qui s’échappe par la plaie. Les ligamens participent à l’inflammation, de même que les extré- mités des os. L’inflammation de la surface interne du ligament capsulaire amène la suppuration vers le cin- quième jour. D’abord il s’écoule peu de matière , mais la quantité s’accroît progressivement. Les parties la- cérées des ligamens et du périoste entrent aussi en suppuration. Sous l’influence de ce travail, les carti- lages sont résorbés en partie ou en totalité, mais le plus souvent seulement en partie ; car la destruction des cartilages se fait lentement, s’accompagne des trou- bles généraux graves , et souvent est la cause déter- minante de l’exfolialion des extrémités osseuses. Quand les cartilages se détruisent, des granulations s’élèvent de la surface des os et de la surface interne du ligament capsulaire , se réunissent et remplissent la cavité articulaire dans l’intervalle des extrémités osseuses. À la suite des lésions des articulations , il peut ar- river tantôt qu’une adhésion générale s’établisse entre des surfaces totalement revêtues de leur cartilage, tantôt que dans les cas de destruction partielle du car- tilage , des bourgeons charnus (granulations) se développent dans les points où le cartilage a disparu, tandis qu’il se forme une simple adhérence dans les points où il est conservé. Ni l’inosculation des bourgeons , ni l’adhérence membraneuse des surfaces ne déterminent une anky- losé permanente ; car, si l’on imprime des rnouve- mens passifs aussitôt que la cessation de la douleur et de i’inllammation permettent ces mouvemens, la mo- bilité peut être recouvrée , non pas il est vrai complè- tement , mais du moins avec une déperdition très-peu considérable ; et les autres articulations du tarse ac- quièrent une mobilité tellement étendue qu’elle suffit pour rendre à peine sensible la diminution «le mobilité de l’articulation du coude-pied. L’ouverture de la capsule se comble par les granu- lations , et quant à la réunion osseuse des surfaces articulaires , elle s’effectue par la déposition préala- ble d’une matière cartilagineuse, suivie elle-même de la sécrétion du phosphate calcaire de la même ma- nière que dans la formation et la cicatrisation des os. Ainsi, quand une luxation compliquée du pied en- traîne une inflammation qui envahit de larges surfaces synoviales , elle détermine sur les deux surfaces arti- culaires une suppuration étendue qui entraîne des accidens généraux graves , et qui plus tard devient la cause d’un travail d'ulcération plus ou moins con- sidérable, suivant le traitement qui a été adopté. Ce travail détermine ^destruction partielle ou com- plète du cartilage, et provoque une fièvre d'irritation prolongée ; quelquefois même il s’empare de l’extré- mité des os luxés et par suite de leur exfoliation dé- termine un accroissement considérable des phénomè- nes généraux et une maladie fort longue. Deux ou trois jours après l’accident, quelquefois même au bout de vingt-quatre heures , apparaissent des symptômes généraux. Le malade accuse une dou- leur de la tête et du dos qui atteste l’influence delà lésion locale sur le cerveau et la moelle ; la langue est recouverte d’un enduit blanc lorsque l’irritation est modérée, jaune, quand elle est plus intense, brune et même noire lorsqu’elle est considérable ; il y a perte d’appétit, nausées , et quelquefois vomissement ; la sécrétion intestinale et celle des glandes annexées à l’appareil digestif, comme le foie , se suppriment, la constipation s’observe fréquemment. La perspiration cutanée se suspend ; la peau devient chaude et sèche : les urines rendues en petite quantité sont fortement colorées. Les mouvemens du cœur se précipitent ; le pouls devient dur et prend le même caractère que dans les réactions provoquées par des inflammations locales ; à un degré plus élevé d’irritation, il devient irrégulier et intermittent. La respiration est accélérée de même que la circulation ; le système nerveux se prend lui-même lorsque l’inflammation locale acquiert un surcroît d’intensité. L’agitation, l’insomnie , le dé- lire, le soubresaut des tendons, et parfois le tétanos surviennent. Tels sont les effets ordinaires de la luxa- tion compliquée du pied sur l’ensemble de l’économie; ils varient d’intensité selon la violence de la lésion, l’irritabilité du sujet, et les ressources de ia constitu- tion. Les causes de la violence des symptômes sont l’ou- verture de l’articulation , et la réaction puissante qui s’ensuit. Mais, quand l’articulation n’est pas béante , et quand la cicatrisation réunit les parties, il peut ne survenir qu’une inflammation locale et une irritation générale modérées. La violence des symptômes recon- naissant pour cause l’ouverture de l’articulation, il est facile de saisir le principe d’après lequel le traite- ment doit être dirigé : il consiste à fermer la plaie aussi complètement que possible pour faciliter le travail adhésif et éviter la suppuration et le développement des bourgeons charnus. La première question qui se présente est celle-ci : L'amputation est-elle toujours necessaire dans les luxa- tions compliquées du pied? — Non assurément. Il y a trente ans, c’était la pratique habituelle ; mais dans ces dernières années , on a conservé tant de fois le membre , qu’une telle détermination serait, r.on-seu- lement peu judicieuse, mais même cruelle. Je suisloin de vouloir dire que l’amputation n’est jamais requise ; je me contente de faire observer qu’elle est intempes- tive dans le plus grand nombre des cas. A l’examen du membre, on trouve une plaie plus ou moins étendue , suivant l'intensité de la cause vu!-
    nérar.te. L’exlrémitédu tibia est saillante si la luxation du pied est en dedans, et le tibia et le péroné proémi- nent si elle est en dehors. Souvent les extrémités des os ayant touché la terre sont recouvertes de boue. Le pied est pendant au côté interne ou externe de la jam- be , suivant le sens de la luxation. Quelquefois , mais rarement, une artère volumineuse est ouverte , et il est surprenant que l’artère tibiale postérieure évite si fréquemment toute déchirure ; la tibiale antérieure est le seul vaisseau que j’aie trouvé rompu. La première indication est d’arrêter l’hémorrhagie ; et dans ce but la ligature est le moyen le plus conve- nable , si la tibiale antérieure est lésée. On doit laver avec de l’eau tiède l’extrémité de l’os, car le moindre corps étranger placé dans l’ar- ticulation peut causer et entretenir un travail de sup- puration. Si l’os est fracturé communitivement , il con- vient de passer le doigt dans l’articulation, afin d’ex- traire les esquille; mais on doit agir avec la plus grande circonspection, pour éviter toute irritation inutile. Lorsque la plaie est trop étroite pour recevoir le doigt facilement, et lorsqu’on sent quelques petits fragmens osseux, on doit débrider pour enlever ces fragmens sans violence ; seulement l’incision doit être faite de manière à laisser l’articulation recouverte le plus possible par les tégumens. Quelquefois les tégumens se trouvent pinces dans l’articulation entre les saillies osseuses , et alors ils ne peuvent en être retirés sans le secours d'une incision. Pour peu qu’ensuite on réunisse les deux bords de la plaie, il ne résulte rien de fâcheux de l’étendue plus grande de la solution de continuité. Le mode de réduction est, sous les autres rapports, semblable à celui quia été conseillé pour les luxations simples ; il faut fléchir la jambe sur la cuisse, pour relâcher les muscles avant de pratiquer l’extension. Après la réduction , un gâteau de charpie trempée dans le sang du malade, doit être appliqué humide sur la plaie. Le sang se coagule et forme le topique le plus naturel, et d’après mon expérience , le meilleur. On applique alors un bandage à plusieurs chefs dont les bandelettes peuvent être retirées isolément. Le ban- dage doit être constamment arrosé par un mélange d’eau et d’alcool. Une attelle concave, munie d’une branche coudée à angle droit, suivant les bords doit être appliquée sur le côté externe de la jambe , dans la luxation du pied en dedans, et la jambe doit re- poser sur son côté externe : mais dans la* luxa- tion en dehors, il vaut mieux placer le membre sur le talon, avec une attelle coudée placée en-dedans et une autre en-dehors, ayant soin de faire pratiquer une fenêtre dans l’attelle vis-à-vis la plaie. Dans l’une et l’autre luxations, il faut fléchir légè- rement le genou , pour mettre les muscles gaslrocné- miens dans le relâchement. On doit prévenir surtout l’abaissement de la pointe du pied. Si l’on n’apportait pas un grand soin à le maintenir à angle droit avec la jambe, le membre ne serait d’aucune utilité dans la suite. Le malade étant couché sur un matelas, on placera un coussin depuis le milieu de la cuisse jus- qu’au-delà du pied ; un autre coussin roulé et place sous la hanche, soutiendra la partie supérieure du fémur. On devra recourir à la saignée, en ayant égard à la constitution du malade. Il ne faut pas perdre de vue qu’il aura besoin de toutes ses forces pendant le travail de la guérison. On ne devra de même user des purgatifs qu’avec la plus grande réserve; car lorsqu’un membre a été placé dans une bonne position , et que la consolidation s’o- père , il est peu judicieux de la troubler par les chan- gemens fréquens de position qu’entraîne l’usage de ces inédicamens. Dans certains cas de fractures compli- quées , j’ai vu l’abus des purgatifs causer la mort. La saignée et l’évacuation des intestins doivent suc- céder aussi promptement que possible à l’accident, avant le développement de l’inflammation adhésive : on pres- crit ensuite la solution d'acétate d’ammoniaque, la teinture d’opium, et, de temps en temps , un léger minoratif. Si, quatre ou cinq jours après l’accident, le malade accuse de vives douleurs dans la partie , on peut lever l’appareil pour examiner la plaie. L’inflammation est- elle violente, on donnera issue au pus qui peut s’être formé, en soulevant un coin du gâteau de charpie ; mais ceci doit être fait avec circonspection, car on court risque de troubler le travail de la réunion primi- tive. Sous l’influence de ce traitement local, d’un côté on obtiendra quelquefois une réunion par première intention ; d’un autre côté, si au boutde quelques jours, du pus se forme, il pourra s’écouler; et, la charpie étant enlevée, on se bornera à un pansement simple. Après huit ou dix jours , s’il y a de la suppuration et beaucoup d’inflammation aux environs de la plaie , il faut appliquer des cataplasmes, des sangsues autour de la plaie et sur le membre à une certaine distance ; on a recours de nouveau aux lotions évaporantes. Mais aussitôt que l’inflammation a cédé , il faut renon- cer aux cataplasmes, qui provoquent une sécrétion trop abondante , et relâchent les vaisseaux sanguins ,. de manière à retarder le travail de la guérison. Dans les cas favorables, la plaie guérit en quelques semaines avec une suppuration peu considérable. Dans les cas moins heureux, il se développe une suppura- tion abondante ; la cicatrisation se fait plus long-temps attendre, et l’exfolialion de l’extrémité des os devient encore une cause de retard pour la guérison. La mobilité de l’articulation n’est pas toujours per- due ; quelquefois elle redevient très-étendue, mais cela dépend du degré plus ou moins considérable de la suppuration ou de l’ulcération. Dans les circonstan- ces les plus favorables, trois mois s’écoulent ordinai- rement avant que le malade puisse marcher avec des béquilles. Dans certains cas toutefois , un plus grand espace de temps est nécessaire. Réduction et réunion immédiates. — C’est ici le lieu d’exposer les cas qui m’ont conduit à établir que l’amputation ne saurait être admise en règle géné- rale. Dans un cas où un chirurgien avait prononcé que l’amputation était nécessaire, les amis du malade, n’approuvant pas cette décision, appelèrent un autre chirurgien , qui promit de conserver le membre. Le malade se confia à ses soins et guérit. Observation 50e, communiquée par M- Lynn. — J. York, âgé de 32 ans, étant poursuivi, franchit une hauteur de plusieurs pieds. Le tibia et une partie de l’astragale se firent jour à la partie interne de l’arli-
    culalion. On réduisit immédiatement ; la suppuration s’établil. Au bout de cinq semaines, une portion de l’astragale se sépara, et la semaine suivante il sortit un second fragment, qui, réuni au premier, consti- tuait la tête de l’os. En trois mois, l’articulation était comblée par des bourgeons ; la cicatrisation mar- cha rapidement, et le malade recouvra l’usage du membre. Observation 51e, recueillie par M. Batley.—Luxa- tion compliquée du pied. — « En septembre 1797 , un individu, dans un accès de démence, se jeta par une fenêtre du deuxième étage ; ses pieds atteignirent le sol avant le reste du corps. Il put se relever sans aide, frappa avec force à la porte delà maison, et raontaleses- caliers sans aucun appui. Il verrouilla la porte sur lui et sc mit au lit. On fut obligé de forcer la porte pour arri- ver jusqu’à lui. Un chirurgien proposa immédiatement l’amputation qui fut rejetée par les amis du malade. Je fus chargé, avec sir A. Cooper , du traitement. Nous trouvâmes une luxation compliquée du pied : le tibia était porté au côté interne du pied ; et, quand on pas- sait le doigt dans la plaie , on reconnaissait que l’as- tragale était divisé en plusieurs fragraens. Ceux qui était complètement libres furent enlevés, et le tibia fut replacé. On entoura les parties déchirées avec de la charpie trempée dans le sang qui s’écoulait de la plaie ; le membre fut placé sur son côté externe , le genou étant fortement fléchi. On prescrivit l’usage fré- quent des lotions évaporantes. Le malade resta aussi tranquille qu’on pouvait l’at- tendre d’un homme privé de sa raison. Mais au bout de trois ou quatre jours , il se développa dans l’articu- lion une inflammation considérable qui augmenta beau- coup l’état d’irritation générale. (Sangsues , fomenta- tions et cataplasmes, saignée de bras, purgatifs et sudorifiques.) Il survint une suppuration étendue qui, après six semaines à deux mois, commença à diminuer, des bourgeons de bonne nature recouvrirent alors toutes les surfaces malades. Environ à la même époque , l’é- tat intellectuel du malade commença à s'améliorer, et cet état favorable continua à faire des progrès à me- sure que la jambe se guérissait. Au bout de quatre à cinq mois, les parties qui avaient suppuré étaient ci- catrisées ; la raison du malade était revenue à son état normal. Au bout de neuf mois, il retourna à ses oc- cupations , conservant toutefois un peu de raideur dans l’articulation. En deux années , son rétablissement devint tellement complet, qu’il pouvait marcher sans le secours d’un bâton ; et au bout de trois ou quatre ans, il était en état de sc livrer à l’exercice de sa pro- fession , presque aussi bien que pendant la première partie de sa vie. » Observation 52e.—Luxation compliquée du pied en- dedans. — M. Knowles, âgé de 48 ans, ayant été jeté hors de sa voiture contre la roue de derrière d une charette, se luxa le pied en dedans, et se fractura le tibia et le péroné. Le docteur Richards, qui fut appelé aussitôt, réduisit la luxation et tenta la guérison de la plaie par première intention. Lorsque je vis le ma- lade, dix jours après l’accident, la plaie offrait un aspect favorable ; la suppuration était abondante, mais pas assez pour exciter des inquiétudes. La plaie se ci- catrisa parfaitement, et le malade marcha sans le se- cours d’un bâton. Observation 53e, recueillie par M. Rowlcy. — Luxation compliquée du pied en-dehors — Élisabeth Chisnell fut reçue à l’hôpital Saint-Thomas, le samedi 29 mai 1819 , pour une luxation compliquée du pied' gauche en-dehors , qui s’était produite en glissant du trottoir sur le pavé. La plaie, qui communiquait avec l’articulation, était située à la partie externe de la jambe , et avait environ quatre pouces d’étendue ; le péroné faisait saillie de deux pouces au dehors de la plaie, mais il n’était pas fracturé ; les ligamens qui unissent la malléole externe et l’astragale étaient rom- pus. L’inclinaison de la plante du pied en-dedans était telle, que toute la surface de l’articulation était visi- ble en-dehors , et qu’on pouvait introduire deux doigts dans l’articulation et reconnaître que l’extrémité du tibia était fracturée. Les parties furent facilement ra- menées dans leurs rapports naturels par l’extension du pied, après la flexion préalable de la jambe sur la cuisse. Pendant la réduction, les légumens s’engagèrent entre la malléole externe et l’astragale , au point de néces- siter une incision en haut du côté du péroné; leslèvres de cette plaie furent réunies par quatre points de su- ture et des bandelettes agglutinatives ; on ajouta des attelles, et l’inflammation consécutive fut combattue par les moyens ordinaires. Le 1erJuin , les bandelettes et les sutures furent enlevées, la plaie et les parties molles voisines de l’articulation étant dans un état gan- gréneux. On prescrivit l’usage quotidien des cataplas- mes de farine de graine de lin. Le 5 juin, les escharres s’étaient séparées ; la plaie se couvrait de bourgeons ; la suppuration était abondante. Une collection, qui s’était formée au côté interne delà jambe , fut évacuée par une ponction. La plaie fut pansée, et une bande appliquée légèrement : la santé générale était peu alté- rée. On prescrivit le quinquina et le porter. Le 7 août, les plaies étaient presque guéries : la malade s’asseyait chaque jour dans son lit, et peu de jours après on lui permit de marcher. Pendant tout le temps de sa mala- die , les symptômes généraux ne furent pas plus gra- ves que dans certains cas favorables de fractures sim- ples; les selles avaient été assez régulières, pour qu’on n’eût besoin de recourir à aucun purgatif; le seul mé- dicament employé fut le quinquina. Observation 54e, communiquée par M. Clarke. — M. Caruthers , âgé de 22 ans, se fit, le 6 octobre 1817, une luxation du pied en-dedans, accompagnée de plaie et de fracture du tibia. L’accident fut produit par le renversement d’une voiture. L’extrémité du ti- bia sortait à travers les tégumens, à la partie interne de l’articulation, dans une étendue de deux à trois pouces ; l'os était étroitement embrassé par la peau ; une petite portion du tibia restait unie à l’articulation. Une hémorrhagie abondante avait eu lieu; mais elle s’était arrêtée avant l’arrivée de M. Clarke. Le péroné était fracturé comminulivement. Pour opérer la ré- duction de la portion d’os sortie, il fut nécessaire d'inciser les tégumens qui serraient étroitement lé ti- bia. Lorsque l’os eut été ramené à sa position natu- relle , on posa à plat un bandage à plusieurs chefs , imbibé d’un liquide évaporant ; des attelles furent ap- pliquées , et le membre fut placé dans une position légèrement fléchie sur un coussin rembourré. La sai- gnée , des laxatifs et des purgatifs salins furent em- ployés. Des symptômes généraux graves se déve- loppèrent. Des abcès formés à la jambe et quelques