Éloge de M. Mêlier / [Étienne Jules Bergeron].

Bergeron, Étienne Jules.

Date:: 1889

Catalogue details

Licence: Public Domain Mark

Credit: Éloge de M. Mêlier / [Étienne Jules Bergeron]. Source: Wellcome Collection.

38/46 (page 32)

d’un bien qu’elle promet mais qui n’apparaît que dans un lointain plus ou moins obscur. Le malade qui souffre exécute assez volontiers la prescription dont il attend un soulagement à brève échéance; mais lorsqu’après sa gué¬ rison, son médecin veut le convaincre que pour conserver sa santé, il lui faut de toute nécessité renoncer à ses goûts, à ses habitudes, à ses passions qui peuvent de nouveau la compromettre, l’individu, s’il est bien élevé, remercie du conseil, et ne change rien à sa manière de vivre; et tout de même, lorsqu’une population est affolée par les rava¬ ges d’une épidémie, on peut, au nom de l’hygiène, lui imposer de très lourds sacrifices, la peur les lui fera accepter sans résistance; mais lorsque s’est effacé chez elle le souvenir de l’épidémie qui l’a décimée, c’est en vain que l’hygiéniste s’efforce de lui persuader qu’elle se pré¬ servera, à coup sûr, de pareils désastres en assainissant ses habita¬ tions, ses rues, ses ports, ou en se soumettant aux revaccinations, elle restera sourde à ces sages conseils, à moins qu’une loi n’intervienne pour la défendre malgré elle, en attendant que les nations civilisées arrivent enfin à s’entendre pour consacrer à la destruction des mala¬ dies pestilentielles, à leur foyer d’origine, les milliards qu’elles dépen¬ sent aujourd’hui pour perfectionner des engins de destruction dont l’homme doit être la seule victime. C’est là encore un idéal bien digne d’être poursuivi par la France, mais dont il est à craindre qu’elle ne doive espérer la réalisation que lorsque les peuples et ceux qui les conduisent seront devenus des sages, autant dire, suivant moi, lorsqu’on aura refait l’humanité. Cette digression a été bien longue, je le reconnais, et ma seule excuse pour y avoir retenu aussi longtemps l’attention de mes auditeurs, c’est qu’elle rentrait dans mon sujet, étant tout àl’honneur de M. Mé¬ tier, le promoteur du premier des congrès dont je viens de rappeler les travaux. Lorsqu’en 1854 M. Mêlier fut nommé inspecteur général des ser¬ vices sanitaires, il avait conquis par ses travaux une si grande noto¬ riété et son indiscutable compétence, en matière d’hygiène publique, était si universellement reconnue, que sa nomination fut accueillie, par l’opinion unanime du corps médical, comme la juste récompense des services qu’il avait déjà rendus.