La technique de la palpation et de la percussion : à l'usage des étudiants en médecine / par Ch. Lasègue et J. Grancher.

  • Lasègue, Charles, 1816-1883.
Date:
1882
    degré de météorisme, il occupe toute la cavité ab- dominale et cache tous les autres organes : gros intestin, estomac et foie. La percussion donne alors une note uniforme de tympanisme grave ou aigu, selon le degré de tension des parois. Ou, au contraire, s’il existe une ascite considé- rable, ou un kyste ovarique volumineux, ou une tumeur solide remplissant l’abdomen, la sono- rité intestinale disparaît presque complètement. Elle surnage dans l’ascite, autour ou au-dessus de l’ombilic, ou bien elle se réfugie dans les flancs. Elle est refoulée à droite par une tumeur pédiculée à gauche, ou inversement; et dans tous ces cas, le fait même de sa disparition des régions péri-ombi- licales et de son confinement dans une autre région sert au diagnostic de la maladie cause de ce dépla- cement de sonorité. Dans l’ascite, par exemple, la matité occupe la région déclive de l’abdomen, la sonorité intesti- nale siège au-dessus de l’ombilic, et dessine un croissant à convexité inférieure. En outre, lesfosses iliaques sont tour à tour mates et sonores dans les décubitus latéraux successifs. Le kyste de l’ovaire donne naissance à des signes tout différents. Ici le refoulement de l’intestin est surtout latéral et fixe. Le croissant de sonorité qui surmonte la tumeur est à concavité inférieure.
    Une tumeur cancéreuse ganglionnaire avec épan- chement enkysté donne les mêmes signes physiques de percussion et peut, pendant quelque temps, si- muler le kyste ovarique. Ces exemples pris dans les types cliniques les plus communs suffiront pour faire comprendre à combien de déformations de toutes sortes est sou- mise la sonorité tympanique de l’intestin grêle. Je ne saurais insister plus longtemps, chaque cas par- ticulier méritant une étude propre qui serait ici déplacée. Dans les maladies de l’abdomen, la percussion rend quelquefois des services plus délicats, si je puis dire. Appliquée, sous la forme d’une chiquenaude, à la recherche du flot de l’ascite ou d’une tumeur liquide, elle donne une sensation très précieuse, quia elle seule permet d’affirmer l’ascite ou la na- ture liquide de la tumeur, et aussi quelquefois le degré de fluidité du liquide intra-abdominal. Enfin c’est surfont dans l’abdomen, que l’occa- sion se présente de rechercher et de diagnostiquer les kystes hydatiques du foie, de la rate ou du péri- toine. Or un choc brusque vif et fort de la tumeur permet souvent au doigt percuté de saisir le « fré- missement hydatique. »
    V I,ES REINS, LE PANCRÉAS, l’üTÉRDS, LA VESSIE, LES TUMEURS. Chercher, par la percussion, la limite des reins et du pancréas, me paraît chose vaine ; ces organes étant inabordables par l’abdomen à cause de la sonorité intestinale, et par les lombes, à cause de la matité propre à cette région charnue. Dans l’état pathologique, c’est différent, et les déplace- ments du rein ou ses tumeurs peuvent être étudiés aussi bien par la percussion que par la palpation. L'utérus normal est également impossible à li- miter par la percussion du sacrum. L’utérus gra- vide, ou hypertrophié, vient en revanche saillir dans l’abdomen, et y former une tumeur de forme spéciale plus facile à circonscrire par la palpation que par la percussion. îî semble, au contraire, que les deux méthodes d'examen soient également utilespourl’appréciation du volume de la vessie distendue par l’urine et occupant la région sus-pubienne. Le contact direct de cet organe 'et de la paroi abdominale en rend la matité plus franche et plus nette que celle de l’utérus gravide, lequel est plus mobile et plus éloigné de la paroi de l’abdomen que la vessie.
    Les tumeurs solides, liquides ou gazeuses, quelle que soit la région qu’elles occupent, pour peu qu’elles soient superficielles, répondent à la per- cussion par de la matité ou de la sonorité. Les sensations de rénitence, de fluctuation, de mol- lesse ou de dureté, acquises par le palper, com- plètent à merveille les résultats de la percussion, et lui sont même supérieures à quelques égards. Les matités d’une tumeur liquide ou d’une tumeur solide ne diffèrent pas sensiblement, quoi qu’en ait dit Piorry ; au contraire, le poids et la dureté, ou la rénitence et la fluctuation sont des signes distinctifs de premier ordre. De même les tumeurs mixtes, solides et gazeuses, donnent ordinairement des sensations mixtes de sonorité et de matité, de dureté et de mollesse, et nécessitent l’examen simultané par la palpation et la percussion.
    No text description is available for this image